Partager, transmettre, émettre, tel est l’objectif de Pierre Petiote, à la tête de la webradio associative et participative RapTz. Il forme les habitants du quartier aux techniques de la radio afin de promouvoir les initiatives citoyennes.
Pierre Petiote se présente avec le salut « klingon », déclare venir de la planète Vulcain et ne pas avoir d’âge. Puis, il s’admet de Montréal et dit s’être installé à Paris il y a dix ans. Il est actuellement co-directeur de la webradio Rapporteuz (abrégée RapTz), la radio rapporteuse d’actions sociales, culturelles et musicales, installé à La Chapelle.
Pierre apprécie son quartier de Marx Dormoy, populaire et animé. « Quand je suis arrivé, j’ai eu l’impression de me promener dans une maquette, super belle, avec ces rues si étroites. À Montréal, la ville est très étendue, les rues grandes et vastes. La vie de quartier se développe différemment. » Il est venu y rejoindre Anne Gorry, rencontrée à Montréal, s’y est plu et est resté depuis.
« La radio c’est tout ce que je sais faire » affirme-t-il. Etabli dans le 18e, Pierre a envie de faire résonner les effervescences qu’il voit là. Pourtant, il ne trouve pas immédiatement sa place dans ce domaine à Paris. Outre-Atlantique, son expérience est celle d’un programmateur d’émissions culturelles ou musicales, d’émissions parlées. Ici, il contribue en bénévole à diverses radios associatives mais ressent ses expériences passées comme plus inclusives et n’assouvit pas sa soif de radio. Alors, il se penche sur l’internet et ses opportunités et s’aperçoit qu’il peut y créer ce qu’il souhaite : diffusions, podcasts, playlists et émissions. Il se forme à ses spécificités : ce qui existe déjà, les plateformes…
Un outil d’autonomisation
Les deux premières années, le projet de radio n’est qu’un site proposant du rédactionnel : Anne, co-directrice, y écrivait les articles ayant trait à l’éducation populaire et à la médiation sociale ou à la culture hip-hop et Pierre se consacre à la musique, « pour commencer la voix du média ». Ce qui compte à leurs yeux, c’est « offrir aux gens, qu’importe leurs origines et autres facteurs, l’opportunité de s’adonner à la pratique radiophonique ».
Mais, pourquoi la radio ? « Pour l’écoute », explique Anne. Au sein de l’équipe, tous voient la radio comme un « outil d’autonomisation pour partager les voix, les accents, les langues, les manières de voir le monde » (dixit Anne) et reconnaissent à Pierre cette appétence à transmettre, informer et former les gens à la radio. Ayant étudié à Montréal l’animation et la recherche culturelle, il a en effet de multiples compétences en pédagogie.
Ce n’est qu’au bout de deux ans qu’au 72bis rue Philippe de Girard, la radio trouve son studio. Sa porte est ouverte à toutes et tous et toute contribution est bienvenue : Pierre et Anne évaluent voire encadrent les projets et ils accompagnent les volontaires dans la réalisation de leur objectif radiophonique.
Une empreinte de la radio plurielle
Éclectique et hospitalière, RapTz compte environ 80 émissions dont 40 produites en France, pas seulement à Paris, et les autres à l’international (Amériques, Europe, Afrique du Sud, Russie…). RapTz « donne un prétexte pour aborder les gens et faire découvrir ce qu’ils font ». Aux yeux de Pierre, elle sert comme un hub (noeud, conjonction) où les gens se retrouvent car elle a deux pôles d’activités. Une programmation musicale (24h/7j) jouxte l’animation d’ateliers d’initiation aux activités radiophoniques et journalistiques pour tous les âges, à l’extérieur du local.
Pour Pierre, c’est une certitude : « tous les aspects de la radio peuvent s’apprendre, s’enseigner ». Lui-même, pour se former à la radio, a bénéficié de l’ouverture et du climat de bienveillance des radios associatives fréquentées à Montréal… Puis il a formé Anne et partage ses connaissances avec les stagiaires et volontaires. « Car faire de la radio, ce n’est pas nécessairement être au micro », détaille Pierre : il y a du graphisme, de la récolte sonore, de la recherche musicale, le montage… Et puis toutes les activités de soutien, « derrière » : la programmation et la diffusion, la gestion administrative, la logistique technique. Elles sont devenues les tâches de prédilection de Pierre. Mais il aura fallu huit ans de fonctionnement de la radio avant de générer suffisamment de budget pour qu’Anne et lui puissent se rémunérer. C’est désormais possible, grâce aux initiations à la radio dispensées en collaboration avec divers établissements et acteurs locaux. Et depuis peu, juste avant la pandémie, Pierre a pu délaisser les cours d’anglais qu’il donnait depuis son arrivée à Paris - et qui assuraient jusque-là son salaire.
Un créateur en quête d’entraide et de partage
Initialement sur tous les fronts, Pierre compte sur son équipe et ses collaborateurs pour qu’ils fonctionnent en toute indépendance. Anne retient sa forte « volonté d’autonomiser les gens, tant sur l’aspect technique que créatif ». Pierre est motivé dit-elle, à « offrir un lieu émancipateur ». À terme, il « aimerai[t] que les gens prennent quelques-unes des casquettes qu[‘il a] » et ajoute : « Je suis toujours ouvert à transmettre ce que je sais ; si le projet pouvait fonctionner sans moi, ce serait top ! »
Avec une activité sans cesse croissante, Pierre se ménage toutefois quelques temps de détente : dans sa pratique sportive (huit ans de ninjutsu) ou en jardinant à Écobox. L’année dernière, il a ainsi réalisé son rêve d’enfant : devenir un ninja ceinture noire. Et il y a peu, il a rejoint le bureau du jardin partagé en qualité de président. À la maison, il a ses deux filles (7 et 9 ans) qu’il est fier d’avoir vu devenir compétentes sur bien des aspects de son activité professionnelle. Il fréquente aussi à l’occasion les bars autour des rues Riquet/Pajol, sur l’esplanade Nathalie Sarraute, aux parcs alentour ou pour faire du shopping dans les boutiques de la « petite Afrique » pour le rhum martiniquais, entre autres… Récemment, il succombe à répétition au Quelli di La, un restaurant italien.
Pierre ne rechigne pas devant les obstacles et amène le ton et l’atmosphère qui lui sont chers, là où il s’implante. Longue vie au papa de la radio des quartiers !
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Photo : Jean-Claude N’Diaye