Comme tous les acteurs du monde culturel, l’association Art’Exprim repense, à travers le numérique, une nouvelle forme de lien avec ses adhérents.
Démocratiser l’art contemporain par la pratique artistique est le fondement même d’Art’Exprim. L’association envisageait depuis un moment d’aller vers le numérique, afin de réfléchir à de nouvelles formes d’élargissement de son audience. Le confinement en a accéléré la réalisation. Mise au pied du mur en mars, elle n’a pu réellement mettre en ligne certains de ses ateliers que lors du deuxième confinement.
L’équipe est en moyenne très jeune et passionnée et l’association spécialisée en arts visuels : dessin, sculpture, bande dessinée, modèle vivant et croquis, gravure et techniques d’impression, peinture... Ses membres sont capables de gérer l’utilisation de logiciels de base, mais aucun d’eux n’est un professionnel de la réalisation audiovisuelle. Il a donc fallu pour toute l’équipe, une partie des 42 artistes compris, se former « sur le tas » (cadrage, éclairage, montage….) et découvrir avec surprise que la mise en ligne est chronophage ! Surtout, il était essentiel de penser cette numérisation en fonction des publics très différents, enfants et adultes, inscrits aux ateliers.
Un autre métier
Pour les enfants, certains artistes ont réussi à produire chaque semaine une ou deux vidéos leur étant destinées, une forme de tutoring avec des propositions d’exercices qu’ils pouvaient réaliser chez eux, façon recette de cuisine en ligne ! « Mais pour les artistes ce n’est pas du tout le même métier » explique Alexia Dreschman, chargée des ateliers et de développement artistique. « Chez nous, ils construisent leurs ateliers en fonction de la production de chacun alors que là, on doit tout condenser, repenser tout le processus car on sait que le public décroche au bout de dix minutes de vidéo. Il faut établir un story board en amont, poser sa voix, parler (ou dessiner) sans hésiter, théâtraliser… C’est vraiment réfléchir la création autrement et certains artistes ont du mal à entrer dans ce cadre ! »
Pour les adolescents et les adultes, le format est très différent : un rendez-vous par zoom est organisé régulièrement afin de stimuler les participants, leur proposer des sujets, commenter leurs productions. Même si ces pratiques virtuelles ne remplacent pas la convivialité des ateliers, c’est l’occasion de parler d’art, de prendre conseil… « L’art en solitaire est un chemin que les amateurs n’ont pas l’habitude d’emprunter », résume Alexia Dreschman.
Fournir du matériel
Evidemment, cette distanciation crée d’autres problématiques : faire des arts plastiques, de la sculpture, de la gravure chez soi, ce n’est pas évident, les familles n’ont pas toujours l’espace, le matériel. Art’Exprim a donc mis en place une forme de « click and collect » pour que les gens viennent se fournir en terre, peinture, papier… Et les artistes, une fois de plus, s’adaptent à ces situations nouvelles : le graveur Lucas Ribeyron travaille sur des matériaux alternatifs, le sculpteur Philippe Peyrin est passé au modelage…
Si le blog, qui permet aux artistes et participants de communiquer, fonctionne pour le moment uniquement pour les adhérents, l’idée fait son chemin d’ouvrir un certain nombre de ces productions au grand public… Et de donner l’envie de se lancer dans la création à d’autres, aussi loin soient-ils. C’est tout l’enjeu de la numérisation.
Illustration : Paul Dehédin