Pas de baguette magique mais des chambres dans un hôtel loué par l’association Basiliade, pour y accueillir des femmes enceintes ou avec enfants, seules, à la rue et sans ressources.
Rien ne distingue à première vue cet hôtel d’un autre établissement de même catégorie. Sinon l’enseigne affichant son nom – Paris Rooms & Dreams – retirée et le public logé : en lieu et place de sa clientèle touristique habituelle, 37 femmes et environ 70 enfants, le plus vieux a 17 ans et 20 ont moins de six mois. Adressés par le Samu social, ces résidents, en grande majorité Africains (80 % sont originaires de Côte d’Ivoire), y occupent les chambres, certes petites, 13 m2, mais confortables. L’association Basiliade, créée à l’origine pour venir en aide aux personnes isolées et atteintes du VIH a décidé d’élargir son champ d’action. Depuis juillet 2020 elle y a installé et gère la Maison des Fées, en réponse à un appel à projet lancé par la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL).
Les femmes, ayant souvent subi les affres du voyage, passeurs, traversée, violences conjugales, y trouvent non seulement un abri d’urgence mais aussi un lieu pour s’y reconstruire. « Ce sont des mamans fragiles qui ont eu des parcours durs, traumatisants, avec beaucoup de violences » constate Charlotte Lesselier, coordinatrice psychosociale qui les accueille. Pas de limitation du temps de séjour, dans l’attente d’un nouveau toit et d’être devenues totalement autonomes. Une équipe de six intervenantes permanentes les y aide : trois coordinatrices psychosociales, une éducatrice de jeunes enfants, une infirmière puéricultrice et la cheffe de service Noëmi Lampe Vallée, auxquelles s’ajoutent deux fois par semaine un médecin, ainsi que des bénévoles de l’association. Une juriste de Basiliade aide l’équipe à monter les dossiers ouvrant aux droits sociaux ou de régularisation des titres de séjour. « Mais il n’y a pas que les démarches, il y a des jours où je fais seulement de l’écoute » rappelle Charlotte Lessellier.
Une vie collective riche et encouragée
Un contrat de séjour est établi avec chacune et régulièrement un point est organisé. Un conseil de vie sociale se tient une fois par mois et à chaque étage une femme désignée responsable assure la relation avec l’équipe pour les questions liées au quotidien. La vie collective, l’entraide, la solidarité sont favorisées, garde d’enfants, soutien. Une pièce a été transformée en salle d’éveil pour les jeunes enfants sous la responsabilité de l’éducatrice. Des ateliers, danse, beauté, des cours de français, d’anglais, d’alphabétisation, des visites de Paris sont organisés.
La DRHIL finance à hauteur de 90 % les deux millions d’euros alloués à l’association pour la Maison des fées pendant ses deux ans d’existence prévus. Le reste est apporté par la Mairie de Paris et la direction départementale de la cohésion sociale. Le propriétaire de l’hôtel perçoit un loyer de 660 000 € par an, soit 45 € par chambre et par nuit (contre les 100 € en moyenne pratiqués).
Un nouveau lieu
Le nettoyage des chambres est assuré par les occupantes et celui des parties communes par des agents de l’hôtel rémunérés par l’hôtelier. Ces derniers sont aussi parties prenantes de l’accueil des résidentes et ont dû s’adapter à leur nouveau public. Younes, réceptionniste de l’hôtel, qui joue en même temps le baby-sitter, constate : « Il faut éviter de faire des gaffes, un geste, une parole peut rappeler un mauvais souvenir, c’est beaucoup d’investissement personnel, c’est une belle expérience humaine. »
Mais, aujourd’hui, si les locaux offrent un hébergement satisfaisant, ils sont trop restreints pour y développer les activités dans de bonnes conditions. L’espace cuisine collectif ne peut recevoir que trois personnes. Et les sept membres de l’équipe se partagent deux chambres converties en bureau. A l’initiative de Noëmi Lampe Vallée, une extension de 95 m2 ouvrira ce mois de janvier. Louée 21 000 € par an à la Ville de Paris, elle offrira une cuisine collective plus praticable, des salles pour les activités et pourrait s’ouvrir sur le quartier. Une recherche de collaboration avec les associations locales est souhaitée. « On aimerait bien bosser avec le local, le 18e c’est riche d’associations » confie la responsable. Le 18e, un arrondissement féérique ? •
Photo : Thierry Nectoux