Journal d’informations locales

Le 18e du mois

Abonnement

FacebookTwitter

janvier 2021 / La vie du 18e

Trois étoiles pour les fées de la rue Doudeauville

par Patrick Mallet

Pas de baguette magique mais des chambres dans un hôtel loué par l’association Basiliade, pour y accueillir des femmes enceintes ou avec enfants, seules, à la rue et sans ressources.

Rien ne distingue à première vue cet hôtel d’un autre établissement de même catégorie. Sinon l’enseigne affichant son nom – Paris Rooms & Dreams – retirée et le public logé : en lieu et place de sa clientèle touristique habituelle, 37 femmes et environ 70 enfants, le plus vieux a 17 ans et 20 ont moins de six mois. Adressés par le Samu social, ces résidents, en grande majorité Africains (80 % sont originaires de Côte d’Ivoire), y occupent les chambres, certes petites, 13 m2, mais confortables. L’association Basiliade, créée à l’origine pour venir en aide aux personnes isolées et atteintes du VIH a décidé d’élargir son champ d’action. Depuis juillet 2020 elle y a installé et gère la Maison des Fées, en réponse à un appel à projet lancé par la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL).

Les femmes, ayant souvent subi les affres du voyage, passeurs, traversée, violences conjugales, y trouvent non seulement un abri d’urgence mais aussi un lieu pour s’y reconstruire. « Ce sont des mamans fragiles qui ont eu des parcours durs, traumatisants, avec beaucoup de violences » constate Charlotte Lesselier, coordinatrice psychosociale qui les accueille. Pas de limitation du temps de séjour, dans l’attente d’un nouveau toit et d’être devenues totalement autonomes. Une équipe de six intervenantes permanentes les y aide : trois coordinatrices psychosociales, une éducatrice de jeunes enfants, une infirmière puéricultrice et la cheffe de service Noëmi Lampe Vallée, auxquelles s’ajoutent deux fois par semaine un médecin, ainsi que des bénévoles de l’association. Une juriste de Basiliade aide l’équipe à monter les dossiers ouvrant aux droits sociaux ou de régularisation des titres de séjour. « Mais il n’y a pas que les démarches, il y a des jours où je fais seulement de l’écoute » rappelle Charlotte Lessellier.

Une vie collective riche et encouragée

Un contrat de séjour est établi avec chacune et régulièrement un point est organisé. Un conseil de vie sociale se tient une fois par mois et à chaque étage une femme désignée responsable assure la relation avec l’équipe pour les questions liées au quotidien. La vie collective, l’entraide, la solidarité sont favorisées, garde d’enfants, soutien. Une pièce a été transformée en salle d’éveil pour les jeunes enfants sous la responsabilité de l’éducatrice. Des ateliers, danse, beauté, des cours de français, d’anglais, d’alphabétisation, des visites de Paris sont organisés.

La DRHIL finance à hauteur de 90 % les deux millions d’euros alloués à l’association pour la Maison des fées pendant ses deux ans d’existence prévus. Le reste est apporté par la Mairie de Paris et la direction départementale de la cohésion sociale. Le propriétaire de l’hôtel perçoit un loyer de 660 000 € par an, soit 45 € par chambre et par nuit (contre les 100 € en moyenne pratiqués).

Un nouveau lieu

Le nettoyage des chambres est assuré par les occupantes et celui des parties communes par des agents de l’hôtel rémunérés par l’hôtelier. Ces derniers sont aussi parties prenantes de l’accueil des résidentes et ont dû s’adapter à leur nouveau public. Younes, réceptionniste de l’hôtel, qui joue en même temps le baby-sitter, constate : « Il faut éviter de faire des gaffes, un geste, une parole peut rappeler un mauvais souvenir, c’est beaucoup d’investissement personnel, c’est une belle expérience humaine. »

Mais, aujourd’hui, si les locaux offrent un hébergement satisfaisant, ils sont trop restreints pour y développer les activités dans de bonnes conditions. L’espace cuisine collectif ne peut recevoir que trois personnes. Et les sept membres de l’équipe se partagent deux chambres converties en bureau. A l’initiative de Noëmi Lampe Vallée, une extension de 95 m2 ouvrira ce mois de janvier. Louée 21 000 € par an à la Ville de Paris, elle offrira une cuisine collective plus praticable, des salles pour les activités et pourrait s’ouvrir sur le quartier. Une recherche de collaboration avec les associations locales est souhaitée. « On aimerait bien bosser avec le local, le 18e c’est riche d’associations » confie la responsable. Le 18e, un arrondissement féérique ? •

Photo : Thierry Nectoux

Dans le même numéro (janvier 2021)

  • Le dossier du mois

    La culture en ligne avec son public

    Annie Katz, Dominique Boutel, Sandra Mignot
    Confronté au confinement, le monde du spectacle, privé de son public, s'initie à de nouvelles pratiques. Enseignement à distance, réinvention du jeu scénique, retransmissions vidéos et accueil de compagnies en répétition imposent de nouveaux challenges.
  • La vie du 18e

    Vandalisme répété à la bibliothèque de la Goutte d’Or

    Marie-Odile Fargier
    Associations et habitants protestent dans une pétition contre l’insécurité croissante de leur quartier devenu « une zone de non droit ».
  • La vie du 18e

    Les bons plats à emporter dans le 18e

    Annick Amar, Annie Katz, Catherine Masson, Claire Rosemberg, Elise Coupas, Florianne Finet, Maryse Le Bras, Sandra Mignot, Séverine Bourguignon, Sophie Roux, Sylvie Chatelin
    Malgré l’interdiction du service en salle depuis novembre, bon nombre de restaurants ont choisi de rester ouverts en mettant en place un système de vente à emporter. Un moyen de limiter les pertes pour un secteur profondément touché par la crise sanitaire.
  • La vie du 18e

    Les associations vent debout contre le projet Gare du Nord 2024

    Dominique Gaucher
    Le projet de réaménagement de la Gare du Nord continue de provoquer l’opposition des associations d’usagers et habitants du secteur. Le permis de construire, délivré en juillet dernier, a suscité trois recours gracieux.
  • Goutte d’or

    Bientôt un lieu d’accueil pour les livreurs ?

    Nina Le Clerre
    Après son vote en conseil d’arrondissement et la validation de son budget en Conseil de Paris, il ne manque plus qu’un local à la Maison des coursiers pour accueillir les livreurs entre deux courses.
  • Goutte d’or

    Santé et précarité : l’ADSF s’adapte

    Nina Le Clerre
    Le Repaire santé Barbès de l’ADSF a ouvert ses portes début octobre. Ce lieu qui propose un accompagnement médical et psychologique aux femmes en difficulté, s’adapte à la crise sanitaire avec des opérations ciblées.
  • La Chapelle

    Fabriqué à Paris : la rue d’Aubervilliers lave plus propre [Article complet]

    Dominique Boutel
    Deux hommes travaillent pour la santé de la planète en créant une lessive écoresponsable !
  • Culture

    Spectacle : les professionnels dans la rue

    Sandra Mignot
    Le monde du spectacle descend dans la rue
  • Culture

    Ateliers créatifs, le défi numérique

    Dominique Boutel
    Comme tous les acteurs du monde culturel, l’association Art’Exprim repense, à travers le numérique, une nouvelle forme de lien avec ses adhérents.
  • Culture

    Ecole Claude Mathieu, apprendre à jouer masqué

    Annie Katz
    Premier ou deuxième confinement, ouvert ou fermé : comme l’ensemble du monde de la culture, l’enseignement du théâtre a dû s’adapter. Une forme de résistance...
  • Culture

    Derrière le rideau, la création résiste

    Dominique Boutel
    Derrière les portes fermées des théâtres
  • Les Gens

    Entre l’ombre et la lumière

    Sandra Mignot
    Codex Urbanus fait partie des artistes que la nuit révèle. Il saupoudre Montmartre de créatures chimériques au fil de ses envies et des surfaces disponibles.

n° 230

octobre 2024