Journal d’informations locales

Le 18e du mois

janvier 2021 / Culture

Ecole Claude Mathieu, apprendre à jouer masqué

par Annie Katz

Premier ou deuxième confinement, ouvert ou fermé : comme l’ensemble du monde de la culture, l’enseignement du théâtre a dû s’adapter. Une forme de résistance...

Angelina, Lorelei, Mathis et Maxime l’affirment : ils se souviendront longtemps de 2020 ! Elèves de deuxième année de l’école de théâtre dirigée par Claude Mathieu, ils ont dû s’adapter aux évolutions des contraintes sanitaires. Pendant le premier confinement, les cours et le travail en visio étaient très difficiles. Pour Mathis « c’est très complexe de ne pas avoir de corps et de ne pas pouvoir travailler avec les autres ». Maxime, de son côté, positive : « Nous avons dû réfléchir tous ensemble et repenser les mises en scène de base, développer notre capacité d’adaptation, essentielle dans notre métier. » Angelina a apprécié pouvoir travailler en présentiel pendant le deuxième confinement, même s’il a fallu s’habituer au masque : « J’ai un accent, je dois porter attention à la diction et à la prononciation, jouer masqué oblige à les perfectionner. »

Le regard et le geste

Comme dans le théâtre antique, joué en plein air, les comédiens doivent se concentrer sur la projection de la voix mais le masque chirurgical, lui, n’a pas de trou au niveau de la bouche pour laisser passer le son et le souffle ! Les expressions du visage sont limitées, l’accent est mis davantage sur les mouvements du corps, « on est plus proche de la commedia dell’ arte que de l’Actor’s studio » plaisante Lorelei. Le regard prend toute son importance, même si son rôle accentué est moins visible depuis la salle d’un théâtre qu’au cinéma.

Cette deuxième période de contrainte a orienté l’enseignement vers d’autres apprentissages, comme celui du théâtre baroque du XVIIIe siècle. « Cette technique consiste à limiter la mise en scène et le déplacement des acteurs : ils entrent en scène par le fond du théâtre, à distance et s’arrêtent à leur place précise qu’ils garderont pendant toute la pièce », précise Claude Mathieu. La gestuelle prépondérante est alors le reflet d’un sentiment, d’une émotion évoqués par le texte et transmis par la voix.

Surmonter les difficultés

Si, sur le plan artistique, les élèves-comédiens positivent ces nouvelles expériences, cette période très particulière a perturbé leur quotidien. Angelina, dont la famille vit à l’étranger, n’a pu la voir depuis un an ; elle a d’autant plus apprécié que l’école reste ouverte. Pour Lorelei qui n’a pu rentrer voir ses proches depuis septembre, « cette situation pèse sur le moral, on le sent pendant les cours, nous sommes parfois un peu absents, nous devons nous accrocher à notre art pour produire de belles choses ».

Le directeur de l’école, aussi leur professeur, toujours passionné par l’enseignement à 90 ans, retient que « le bon côté du deuxième confinement, c’est d’avoir été autorisés à poursuivre les cours ». Cependant, il est conscient des difficultés rencontrées par les étudiants qui ont perdu leurs petits boulots, notamment dans les restaurants. Heureusement, les gardes d’enfants les ont partiellement remplacés mais certains d’entre eux ont dû arrêter leur cursus, lorsque leur famille ne pouvait les aider. En effet, l’école ne reçoit aucune subvention et les élèves n’ont pas de soutien financier car ils ne sont pas rattachés à une université. Pour tenir compte de l’arrêt des cours pendant le premier confinement, la cotisation a été réduite, parfois de moitié, et les professeurs ont accepté une baisse de leur salaire.

« Le comédien vaut l’homme et tant vaut l’homme, tant vaut le comédien », peut-être cette pensée de Louis Jouvet, placée en exergue au-dessus de la porte d’entrée de l’école, a-t-elle donné à tous l’énergie pour continuer à jouer ?

Ecole Claude Mathieu, Art et techniques de l’acteur, 3 rue de l’Olive, 01.42.09.79.76, infos@ecoleclaudemathieu.com,
inscriptions ouvertes pour le lundi 15 février - début des cours du second semestre : 18 février

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