Identifiée depuis toujours comme la créatrice des Frustrés, la dessinatrice, Nantaise avant de devenir Montmartroise, a été inhumée au pied de la Butte le 15 février.
Soleil sur le cimetière de Montmartre où se mêlent des habitants du quartier, des amis venus de plus loin, des dessinateurs : Wiaz (premier arrivé), Martin Veyron, Yves Got, Dubrouillon. Car nous rendons un dernier hommage à une dessinatrice hors pair, Claire Bretécher, immortalisée (une certitude) par Les Frustrés, Agrippine, Le Destin de Monique et quelques autres. Tous emblématiquement résumés dans un dessin représentant quatre péronnelles en train de marmonner : « Si ça se trouve, si on était belles, on se ferait chier. » Irrésistible Claire qui n’était pas que intelligente, pas que créative, pas que belle mais aussi très drôle. Quand j’ai fait sa connaissance, dans les années 1980, l’hebdomadaire ELLE est arrivé je ne sais comment dans notre conversation. Constat de Claire : « C’est sympa à lire ELLE, à condition bien sûr de sauter les articles de fond... »
Mais qu’est-ce que tu fous là ?
Cette habituée du bar Au Rêve habitait rue Coustou avec son compagnon Guy Carcassonne, professeur de droit, puis bientôt leur fils, Martin. Qui est là ce matin 15 février, avec ses sœurs, Marie et Nuria, filles d’une première union de Guy. Ils tiennent à partager avec nous une belle chanson italienne portée par la voix de Richard Cocciante, chanson qu’ils écoutaient en boucle, tous les cinq, en reprenant en chœur l’impérissable Io ti amo, dans cet appartement montmartrois ouvrant sur une terrasse arborée. Comme une autre de Léonard Cohen que Claire affectionnait particulièrement. Au travers des paroles prononcées en hommage par Yasmina Reza, on croit entendre notre amie dire à chacun et chacune d’entre nous : « Mais qu’est-ce que tu fous là ? » Il est vrai que, même après avoir jeté une rose dans la tombe où, depuis sept ans déjà, repose Guy, on peine à y croire. Pourquoi cette insolente, si prompte à écarter les importuns, n’a-t-elle pas d’un trait cinglant renvoyé dans son douar d’origine la Faucheuse sans humour qui s’avançait pour nous l’enlever ? Les photos revues ces derniers jours montrent une jeune femme encore plus glamour que Brigitte Bardot. Ayant de surcroît tellement l’air de nous jouer un tour que nous avons du mal à « réaliser » comme on dit dans ces cas-là, mais sans doute cela vaut-il mieux. Car si Agrippine est en larmes, Claire est là, elle est bien là, for ever...
Photo : @Dargaud