Les bâtiments sont flambant neufs, les meubles et le matériel à peine sortis des emballages. Après des difficultés de démarrage, le nouveau centre de repos pour consommateurs de crack tourne sept jours sur sept dans un no man’s land coincé entre la porte de la Chapelle et l’échangeur vers l’A1.
Cinq conteneurs aménagés sur un terrain jouxtant un petit centre d’accueil de jour pour migrants : au-dessus, le périphérique, à deux pas le va-et-vient des camions verts du centre de tri des ordures.
Un repos bénéfique
Le centre de repos est géré par les associations Gaia et Aurore. Ouvert début décembre mais ne fonctionnant « normalement » que depuis le 6 janvier, le centre reçevait en février 40 personnes par jour en moyenne, dont cinq à six pour la première fois, selon son directeur Léon Gomberoff. Il souhaiterait accueillir 200 usagers de crack par jour. Selon Gaia, environ 300 d’entre eux errent dans le quartier.
Une infirmerie, des machines à laver, des sanitaires, des casiers fermés et un espace pour bavarder, prendre un café et rencontrer les travailleurs médico-sociaux. Quinze personnes dont deux vigiles travaillent ici. Au cœur du projet, la salle de repos avec ses 20 lits de camp. « Le repos permet d’espacer les prises, de réduire le stress, donc de prendre moins de crack », explique un responsable. Les nouveaux arrivants sont informés du règlement. « C’est l’exclusion immédiate en cas de consommation sur place », selon la cheffe de service Salima Dahmali. Un des cinq conteneurs, pourtant, pourrait plus tard devenir une salle de consommation à moindre risque, la deuxième à Paris et la quatrième en France.
Lors du premier comité de suivi à la mairie du 18e en février, le directeur a fait le point sur le fonctionnement de ce projet financé par le plan anti-crack triennal d’1 million d’euros par an, adopté l’an dernier par la Mairie de Paris, l’Agence régionale de santé (ARS) et la préfecture de Paris et d’Ile-de-France. Il a notamment souligné que le centre, ouvert aux usagers de 9 h 30 à 16 h 30, était dorénavant ouvert aussi le week-end.
Des riverains préoccupés
Aujourd’hui la Colline du crack, le terrain vague de La Chapelle perché derrière le périphérique qui fut longtemps le haut lieu du deal pour des centaines d’usagers de drogues sans abri, a été évacuée. La terre est décontaminée, selon la Mairie de Paris, de jeunes arbres ont été plantés. Des affiches annoncent que la végétalisation est en marche. La police surveille 24 heures sur 24 afin d’empêcher tout retour. Mais dans les rues du quartier, des toxicomanes et dealers errent toujours. « A chaque évacuation par la police il y a eu un éparpillement des migrants et des consommateurs de crack », constate Jean-Michel Métayer, de Vivre au 93 Chapelle, une association de locataires.
Il rappelle le cauchemar qui a suivi l’évacuation des campements de migrants à La Chapelle début novembre. Beaucoup se sont installés par la suite sur des sites insalubres à la porte d’Aubervilliers, suivis de toxicomanes, dont certains consommaient jusque dans les trams et le métro à Marcadet-Poissonniers et à Marx Dormoy, et même dans les entrées d’immeuble du quartier Charles Hermite. Des résidents en colère ont réagi en bloquant les trams. « Il faut absolument multiplier ce genre de centre, mais pas toujours dans le 18e, ajoute M. Métayer. Tant qu’il n’y aura pas d’action forte de l’État, le problème subsistera. »
Même son de cloche chez Reynald Villaumé de l’association Asa-PNE, qui regrette la fermeture dans le quartier d’anciens centres pour toxicomanes et voudrait que des solutions pérennes au problème soient partagées avec d’autres arrondissements de Paris. « Il faut des centres ouverts 24 heures sur 24, avec une prise en charge médicale, dit-il. Pour les Jeux olympiques, on espère que l’on va faire quelque chose mais il faut des solutions qui durent. »