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mars 2020 / La Chapelle

Une ferme urbaine inattendue dans le jardin d’Eole

par Sylvie Chatelin

Une nouvelle ferme a été présentée le 6 février au Grand Parquet en présence d’Eric Lejoindre, maire du 18e, et de Colombe Brossel, adjointe chargée de la sécurité à la Mairie de Paris.

A la surprise des présents, un (faux) cochon a d’abord été poursuivi au milieu de l’assistance aux cris de « Tuez le cochon ! » par une bande de clowns armés de massues en polystyrène. Introduction, quelque peu bizarre, de la réunion ? Après enquête, il semble qu’il s’agissait d’une descente surprise de la BAC (Brigade activiste des clowns)* pour défendre la cause animale. La présentation des lieux a ensuite démarré, sans plus d’explication ni de revendication.

L’installation de cette ferme dans le jardin d’Eole ressort clairement de l’intention d’ « occuper [ce lieu] différemment » et, complète Colombe Brossel, de « construire la deuxième page de ce ma­gnifique jardin ». Parallèlement, l’Association de prévention spécialisée et d’accompagnement des jeunes (APSAJ) va rouvrir la buvette Jupiter pour en faire un « objet de coopération solidaire et partagé et un lieu de partage entre le 18e et le 19e. » Ouverture prévue fin mars, en collaboration avec plusieurs autres associations. Une petite restauration bio sera proposée du mardi au vendredi.

Il devait y avoir urgence car ce projet a été monté en un temps record (trois mois) par la Direction de la prévention, de la sécurité et de la protection (DPSP) avec l’association Fermes d’espoir qui gère par ailleurs déjà la P’tite Ferme de la Goutte d’Or installée dans le square Bashung.

Créer un nouvel écosystème ?

Les Fermes d’espoir ont pour objet « de mener des activités d’animation de territoires, d’éducation au développement durable, d’insertion sociale et professionnelle à destination de publics en risque d’exclusion ». A Eole, cela passera par des animations pédagogiques avec les écoles, les jeunes du quartier, et une collaboration avec l’Ecole de la 2e chance installée à deux pas.

Le projet est encore à inventer et à cons­truire, mais Julien Boucher veut « créer un nouvel écosystème de salariés, habitants et repris de justice [sic] ». Le travail ne manquera pas entre les soins aux animaux, l’entretien de leurs enclos et de leurs cabanes. Il faudra également recevoir les scolaires, nettoyer le parc, sécuriser certains endroits de passage des animaux. Les salariées (deux éducatrices spécialisées et deux animatrices nature) seront aidées par quatre à six jeunes en service civique et par une dizaine de personnes devant accomplir un TIG (travail d’intérêt général).

Fort de son expérience sur deux autres fermes en banlieue, Julien Boucher sait qu’à défaut de réinsertion, c’est plutôt de « remobilisation » qu’il faut parler. Il s’agit en « remettant ces personnes dans un rythme de travail » de leur permettre de « rencontrer des gens, de sentir qu’ils peuvent devenir acteurs de leur vie ».

Inquiétude parmi l’assistance

Daniel Keller, président de l’association Les Jardins d’Eole, a soulevé la question de l’accompagnement des consommateurs de crack – très présents dans le jardin – et de la création d’un lieu d’accueil et de prise en charge dédié. Après le départ discret des deux élus, le représentant de l’APSAJ n’a pu apporter qu’une réponse très embarrassée, d’où il ressort qu’à terme, les toxicomanes devront quitter le parc. Pour aller où, dans quelles conditions ? Nul ne le sait.

Quelques membres du collectif Les P’tits Déjs solidaires se sont également étonnés de ne pas avoir été contactés en amont et ont exprimé leur inquiétude d’être également, à terme, délogés de l’esplanade où, depuis des années, ils offrent tous les matins boissons chaudes, tartines et soutien à une centaines de réfugiés.

Les premiers scolaires seront accueillis à la ferme ce mois-ci, en même temps que les animaux effectueront leur première « transhumance » sur les parties herbées du parc. Une nouvelle page de l’histoire mouvementée de ce jardin est effectivement en train de se tourner. Sera-t-elle inclusive ou prétexte à exclure les occupants actuels de ce lieu ?

Photo : Simon Renou

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