A ses obsèques au Père Lachaise le 5 février avaient pris place de nombreuses personnes venues d’horizons si différents. Des journalistes, des militants, des élus du 18e, des copains d’enfance, de simples habitants, notamment de la Goutte d’Or, et bien sûr de nombreux « collègues » ou amis du 18e du mois.
Nadia n’était « enfermable » dans aucune boîte ; elle ne pouvait se résumer à un versant de sa personnalité, à un pan de son activité. Née dans les Yvelines de parents algériens, elle avait pris le large par rapport à un milieu familial qui ne la laissait pas assez respirer. Désir de liberté, envie d’apprendre (elle était diplômée d’histoire, entre autres), Nadia ne s’était jamais arrêtée de vouloir comprendre le monde.
Professionnellement, Nadia a évolué dans des mondes si différents, d’un cabinet d’architecte à la mise en page d’un hebdo chrétien et, pour finir, une collaboration au journal de Force ouvrière. Mais cela ne lui suffisait pas : Nadia réalisait des vidéos, en particulier avec des étudiants en travail social ; elle était très impliquée dans l’aventure du site engagé Bastamag. A ce titre, elle fut poursuivie par le milliardaire Bolloré, pour un article sur l’accaparement des terres en Afrique. Nadia fit face avec courage à l’arrogance des puissants et eut gain de cause à trois reprises.
Evidemment, Nadia, c’était aussi (surtout) une passion pour le 18e arrondissement. Arrivée très tôt dans l’aventure du 18e du mois – le journal en était encore à ses débuts –, elle s’était fait une place singulière dans l’équipe. Pendant longtemps, elle a réalisé la maquette du mensuel, lui apportant toujours des améliorations. Mais elle ne se limitait pas à cette seule fonction : elle écrivait beaucoup d’articles avec une appétence pour les sujets non consensuels. Le journalisme, c’était ça pour elle : appuyer là où ça fait mal et comprendre pourquoi ça fait mal. Elle pratiquait un journalisme « intranquille » au plus près des petits, des sans-grades. Nadia n’oubliait jamais d’où elle venait.
Une bonne dizaine d’années plus tard, après la mort coup sur coup de Noël Monier puis de Marie-Pierre Larrivé, le couple des fondateurs du journal, avec qui elle était très liée, elle reprit avec brio le flambeau et donna un incontestable coup de fouet au journal. Elle cumulait toutes les fonctions : rédactrice en chef, secrétaire de rédaction et maquettiste, sans compter les longs articles qu’elle écrivait. Mais elle avait le souci de toujours faire participer un maximum de personnes. Elle me disait souvent, alors que j’étais président de l’association : « Tu te rends compte, Noël, c’est tout à fait exceptionnel ce que nous faisons avec ce journal d’habitants. »
Ce que fit Nadia pendant les deux décennies où je l’ai côtoyée fut assez exceptionnel. Rarement, quelqu’un eut tant de cordes à son arc : j’ai oublié de vous dire qu’elle peignait, jouait de la viole de gambe, montait des projets avec des associations et… s’occupait de son fils Louis. Elle le fit sans plastronner, avec toujours beaucoup d’humour. C’était aussi ça, Nadia : une sacrée élégance.
Dans le même numéro (mars 2020)
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