avril 2021 / Patrimoine et cadre de vie : les habitants prennent l’initiative
46 rue des trois frères : Vent debout contre la densification de Montmartre
Démolition, surdensification, béton matricé, aluminium. Soit tout le contraire de ce que l’on pouvait espérer de la sauvegarde d’un immeuble de deux étages dans le style montmartrois.
« Réhabilitation et non démolition », tel est le credo du collectif créé il y bientôt deux ans pour la sauvegarde de l’immeuble du 46 rue des Trois-Frères (lire notre numéro 277). « On nous écoute, mais on ne nous entend pas », déplore Clotilde Dusoulier, demeurant rue Berthe depuis vingt ans. « Nous, c’est le collectif d’une trentaine de riverains soucieux de protéger le patrimoine montmartrois, précise-t-elle. On, ce sont les élus chargés de l’urbanisme au niveau parisien, comme du 18e. »
C’est en juillet 2019 que le permis de construire au bénéfice de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) est affiché. Il prévoit la démolition d’un petit immeuble de deux étages pour construire un ouvrage de cinq étages qui abritera sept logements sociaux. Le projet prévoit une emprise sur la moitié de la cour comprenant la pose d’un escalier métallique, seul moyen d’accès aux étages ! Clotilde Dusoulier et son époux ont formé un recours contentieux contre ce projet qui a été rejeté en décembre dernier par le tribunal administratif. « Ce que l’on ne comprend pas, reprend Clotilde Dusoulier, c’est que le rapporteur public a repris point par point les arguments de la Ville. Or nos arguments à nous sont en conformité tant avec le plan climat parisien voté en 2018 qu’avec le plan local d’urbanisme (PLU) bientôt révisé. » » Le projet en effet entraînerait une « surdensification » de l’habitat et une augmentation de la surface du bâti au sol contraires au PLU à venir.
Incohérence avec l’architecture de la rue
Quant au plan climat, il dispose que chaque chantier doit « favoriser l’usage des matériaux aux cycles de vie les moins émissifs en carbone tels que le bois produit à proximité du territoire » ; or en l’espèce, la construction serait presque exclusivement faite de béton préfabriqué matricé et d’aluminium. Enfin, selon le collectif toujours, le nouvel immeuble dénaturerait la cohérence architecturale de la rue, en totale rupture avec le style montmartrois, alors même que la Ville projette de faire inscrire Montmartre au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le conseil d’arrondissement du 1er mars a adopté un contre-vœu visant à ce que la RIVP privilégie les matériaux biosourcés et intègre des éléments d’ossature en bois en façade, alors que le vœu initial visait la remise à plat de l’ensemble du projet. Quant au vœu, déposé devant le Conseil de Paris le 11 mars, relatif aux projets de densification dans le 18e et demandant la suspension des permis du 46 rue des Trois-Frères – ainsi que celui du 10 rue Muller – il a, en ce qui concerne le 46 été rejeté par 42 voix contre 31. Le collectif ne se déclare pas battu. Il soutient le couple Dusoulier qui fait appel devant le Conseil d’Etat. Il relance la pétition1 qui a déjà recueilli plus de 6 000 signatures et relaie sur sa page Twitter sa mobilisation toujours intacte.
Photo : Jean-Claude N’Diaye