Journal d’informations locales

Le 18e du mois

Abonnement

FacebookTwitter

avril 2021 / La vie du 18e

Mal-logés en colère

par Unt’ Margaria

Logements insalubres, petits, les confinements successifs ont aggravé les conditions de vie des mal-logés et la situation ne va pas s’arranger de sitôt.

Le 18 mars dernier s’est tenu devant la mairie du 18e arrondissement un rassemblement du collectif Mal logés en colère. Leur mouvement fait écho aux chiffres publiés début février par la Fondation Abbé Pierre : 4 millions de mal-logés en France, dont 902 000 sans logement propre, auxquels s’additionnent 4 millions de personnes en situation de « surpeuplement modéré » (une pièce en moins que les besoins estimés). Le collectif souhaite rappeler que l’accès à un logement décent est en France un droit, qualifiant de « hors la loi » l’état qui ne rend pas possible la mise en application de ce droit opposable.

« Le collectif existe depuis 2003, mais avec la pandémie la situation de tout le monde s’est aggravée et beaucoup de choses ont dû s’arrêter », explique Assia Taleb au nom du comité. Les actions (rassemblements, interventions dans le débat public, prises de parole diverses…) ont repris ces dernières semaines car la situation dans le 18e est particulièrement préoccupante. Symboliquement, le 18e est aussi la terre d’élection de Ian Brossat, adjoint chargé du logement auprès d’Anne Hidalgo.

Des délais d’attente beaucoup trop longs…

Les mal-logés attendaient de la Mairie des mesures d’urgence dans le cadre de la pandémie. « On a vu des familles à la rue en plein confinement, des personnes contaminées dans des logements extrêmement petits sans possibilité de s’isoler, des enfants dont les troubles sont de plus en plus importants car ils sont enfermés dans des logements insalubres et surpeuplés... Dans le groupe, il y a de jeunes soignants qui vivent avec des parents âgés et ont pris des risques pendant un an », raconte Assia Taleb.

... et des demandes toujours en hausse

À Paris, en 2019, 244 000 demandes de logement social étaient en attente. Sont prioritaires pour ces demandes les personnes sans logement, les personnes occupant un logement insalubre ou les foyers en état de sur-occupation s’ils comportent des personnes mineures (la surface « normale » étant estimée à 16 m2 pour deux, plus 9 m2 par personne supplémentaire). Sont également prioritaires les personnes en situation de « délai anormalement long » de réponse à leur demande de logement (pour Paris, entre 6 et 10 ans en fonction de la surface demandée ; à partir de 12 mois dans d’autres départements). Même avec un tel statut, l’accès à une proposition peut encore prendre plusieurs années.

Or la demande augmente, et d’après le collectif elle est amenée à se développer encore plus vite cette année : « La Mairie nous a dit que la pandémie avait créé une stagnation dans les logements sociaux existants ; ils risquent de ne pas pouvoir répondre même à ce qu’ils qualifient de besoins les plus criants. Cela nous semble inacceptable dans une ville qui ne renonce pas à organiser les Jeux olympiques, ou à d’autres dépenses et aménagements pour sa vie économique. »

Le collectif évoque notamment de jeunes ménages, qui s’accommodaient de vivre avec leurs parents dans des conditions difficiles mais ne le peuvent plus dans le cadre des confinements. « Les situations d’hébergement par de la famille ou des amis se craquèlent. Avec les difficultés économiques, beaucoup ne peuvent pas payer leur loyer ; même si les expulsions sont pour l’instant suspendues jusqu’à l’été, on court à la catastrophe, car rien n’est fait pour régler les situations », d’après Assia Taleb, qui précise que beaucoup de membres du collectif sont actuellement convoqués au commissariat pour dernier entretien avant expulsion.

Le principal écueil semble donc celui de la sur-occupation des logements, qui s’explique par les prix de l’immobilier à Paris et donc l’impossibilité de décohabiter sans accéder à un logement social au loyer modéré. Dans le 18e, l’INSEE a pourtant recensé en 2017 8,8 % de logements vacants, qui font tristement écho aux 20 % de logements en sur-occupation. On y compte également 9 % de logements sans salle de bains. •

Dans le même numéro (avril 2021)

  • Le dossier du mois

    Patrimoine et cadre de vie : les habitants prennent l’initiative

    Brigitte Batonnier, Dominique Gaucher, Sophie Roux
    Que ce soit pour sauver un bâtiment historique de la démolition, lutter contre la surdensification de l'habitat, proposer le réaménagement d'une rue pour donner plus de place aux piétons, au végétal et au lien social, ou encore préserver les abords d'une église classée, des riverains se concertent, montent des dossiers, proposent des projets afin de sauver des trésors du 18e et proposer des cadres de vie citoyens et responsables.
  • Le printemps de la commune

    Balades comme si on y était [Article complet]

    Dominique Boutel
    Arpenter les lieux où se sont déroulés les évènements majeurs de la Commune, découvrir les traces encore existantes de ce passé révolutionnaire, y associer musiques d’hier et d’aujourd’hui, tel est le projet de podcast « baladeur » qu’ont imaginé Manola Bouley et Timothée Peignier, deux jeunes Parisiens, passionnés d’art, d’histoire et de sons.
  • Le printemps de la commune

    Images et Imaginaires

    Danielle Fournier
    Cet article est le second d’une série de trois consacrés à cet événement historique que fut la Commune de Paris. Beaucoup d’idées nouvelles ont été lancées, débattues, mais comment les informations circulaient-elles ? Quelle part ont pris les nouveaux moyens de diffusion, la photographie entre autres, et comment ont-ils façonné, dès 1871, et pour des décennies, l’imaginaire collectif ?
  • Le printemps de la commune

    Un 18 mars à huis clos

    Sandra Mignot
    L’évènement inaugurant les célébrations de la Commune de Paris s’est tenu dans le square Louise-Michel… à l’abri du public.
  • Patrimoine et cadre de vie : les habitants prennent l’initiative

    Projet Boris Vian : le permis de construire est suspendu

    Sophie Roux
    Le chantier avait commencé sur l’ilot situé entre les rues Polonceau et de la Goutte d’Or.
  • Patrimoine et cadre de vie : les habitants prennent l’initiative

    Rue Letort : un collectif redessine son artère

    Dominique Gaucher
    Près de la porte de Clignancourt, un collectif constitué à l’occasion du premier confinement, a élaboré un projet pour rendre sa rue plus verte et plus conviviale.
  • Patrimoine et cadre de vie : les habitants prennent l’initiative

    46 rue des trois frères : Vent debout contre la densification de Montmartre

    Brigitte Batonnier
    Démolition, surdensification, béton matricé, aluminium. Soit tout le contraire de ce que l’on pouvait espérer de la sauvegarde d’un immeuble de deux étages dans le style montmartrois.
  • Patrimoine et cadre de vie : les habitants prennent l’initiative

    10 bis rue Muller : Cyclope sacrifié sur l’autel de l’immobilier

    Brigitte Batonnier
    Dans la cour, les jeux sont interdits, mais rien n’empêche d’y jouer à construire un immeuble de cinq appartements. Au mépris de l’architecture de la Butte et de la fragilité de ses sous-sols.
  • La vie du 18e

    C’est l’électrique qui flambe

    Florianne Finet
    L’utilisation croissante des vélos à moteur s’est traduite par de nombreuses pannes et une forte hausse des dépenses de maintenance. La Mairie envisage un ajustement des tarifs.
  • La vie du 18e

    Tests salivaires, à quoi ça sert ?

    Danielle Fournier
    Les tests salivaires sont arrivés dans les écoles, enfin dans quelques-unes d’entre-elles. La manière dont l’outil – présenté comme le moyen de maintenir les établissements ouverts – est utilisé pose nombre de questions.
  • La vie du 18e

    Les cantines remettent le couvert

    Florianne Finet
    Quatre ateliers associant des habitants préparent le retour en gestion directe des cantines. Le contrat avec la Sogeres, prestataire privé, se termine en 2023.
  • Clignancourt

    Comme sur le zinc, à la maison

    Stéphane Bardinet
    Pour survivre, Antoine Valo Berthon, barman dans le 18e, s’est lancé dans la livraison de cocktails maison.
  • Montmartre

    Ça ne coule pas de source

    Samuel Cincinnatus
    C’est un petit miracle quotidien dont nous ne pourrions plus nous passer, on tourne un robinet et l’eau coule dans nos éviers et dans nos douches.
  • Les gens

    Jean-Claude Casadesus, montmartrois d’origine

    Dominique Boutel
    Sans être un « poulbot », un enfant des rues, il a pourtant joué avec eux et a grandi au cœur de Montmartre, qu’il n’a jamais quitté longtemps.

n° 230

octobre 2024