Logements insalubres, petits, les confinements successifs ont aggravé les conditions de vie des mal-logés et la situation ne va pas s’arranger de sitôt.
Le 18 mars dernier s’est tenu devant la mairie du 18e arrondissement un rassemblement du collectif Mal logés en colère. Leur mouvement fait écho aux chiffres publiés début février par la Fondation Abbé Pierre : 4 millions de mal-logés en France, dont 902 000 sans logement propre, auxquels s’additionnent 4 millions de personnes en situation de « surpeuplement modéré » (une pièce en moins que les besoins estimés). Le collectif souhaite rappeler que l’accès à un logement décent est en France un droit, qualifiant de « hors la loi » l’état qui ne rend pas possible la mise en application de ce droit opposable.
« Le collectif existe depuis 2003, mais avec la pandémie la situation de tout le monde s’est aggravée et beaucoup de choses ont dû s’arrêter », explique Assia Taleb au nom du comité. Les actions (rassemblements, interventions dans le débat public, prises de parole diverses…) ont repris ces dernières semaines car la situation dans le 18e est particulièrement préoccupante. Symboliquement, le 18e est aussi la terre d’élection de Ian Brossat, adjoint chargé du logement auprès d’Anne Hidalgo.
Des délais d’attente beaucoup trop longs…
Les mal-logés attendaient de la Mairie des mesures d’urgence dans le cadre de la pandémie. « On a vu des familles à la rue en plein confinement, des personnes contaminées dans des logements extrêmement petits sans possibilité de s’isoler, des enfants dont les troubles sont de plus en plus importants car ils sont enfermés dans des logements insalubres et surpeuplés... Dans le groupe, il y a de jeunes soignants qui vivent avec des parents âgés et ont pris des risques pendant un an », raconte Assia Taleb.
... et des demandes toujours en hausse
À Paris, en 2019, 244 000 demandes de logement social étaient en attente. Sont prioritaires pour ces demandes les personnes sans logement, les personnes occupant un logement insalubre ou les foyers en état de sur-occupation s’ils comportent des personnes mineures (la surface « normale » étant estimée à 16 m2 pour deux, plus 9 m2 par personne supplémentaire). Sont également prioritaires les personnes en situation de « délai anormalement long » de réponse à leur demande de logement (pour Paris, entre 6 et 10 ans en fonction de la surface demandée ; à partir de 12 mois dans d’autres départements). Même avec un tel statut, l’accès à une proposition peut encore prendre plusieurs années.
Or la demande augmente, et d’après le collectif elle est amenée à se développer encore plus vite cette année : « La Mairie nous a dit que la pandémie avait créé une stagnation dans les logements sociaux existants ; ils risquent de ne pas pouvoir répondre même à ce qu’ils qualifient de besoins les plus criants. Cela nous semble inacceptable dans une ville qui ne renonce pas à organiser les Jeux olympiques, ou à d’autres dépenses et aménagements pour sa vie économique. »
Le collectif évoque notamment de jeunes ménages, qui s’accommodaient de vivre avec leurs parents dans des conditions difficiles mais ne le peuvent plus dans le cadre des confinements. « Les situations d’hébergement par de la famille ou des amis se craquèlent. Avec les difficultés économiques, beaucoup ne peuvent pas payer leur loyer ; même si les expulsions sont pour l’instant suspendues jusqu’à l’été, on court à la catastrophe, car rien n’est fait pour régler les situations », d’après Assia Taleb, qui précise que beaucoup de membres du collectif sont actuellement convoqués au commissariat pour dernier entretien avant expulsion.
Le principal écueil semble donc celui de la sur-occupation des logements, qui s’explique par les prix de l’immobilier à Paris et donc l’impossibilité de décohabiter sans accéder à un logement social au loyer modéré. Dans le 18e, l’INSEE a pourtant recensé en 2017 8,8 % de logements vacants, qui font tristement écho aux 20 % de logements en sur-occupation. On y compte également 9 % de logements sans salle de bains. •