L’évènement inaugurant les célébrations de la Commune de Paris s’est tenu dans le square Louise-Michel… à l’abri du public.
Les célébrations du 150e anniversaire de la Commune auront commencé sous d’étranges auspices. Le premier évènement, l’installation des silhouettes de 50 Communards dans le square Louise-Michel qui semble supporter depuis tant d’années la basilique du Sacré-Cœur, a en effet eu lieu quasiment à huis clos. Seuls quelques élus étaient conviés autour d’Anne Hidalgo sous les caméras d’une presse dûment accréditée tandis que les curieux étaient tenus à bonne distance par la police aux grilles du square. Même l’intervention chantée de deux classes de CM2 de l’école Foyatier, toute proche des lieux, avait été annulée quelques jours avant l’évènement malgré de nombreuses heures de préparation.
Un spectacle inaccessible pour célébrer une insurrection populaire, cela laisse une étrange impression de confiscation… Certes la crise impose des restrictions sanitaires. Était-ce bien la seule crainte ? Quelques lève-tôt militants – l’évènement était calé à 8 h 30 – équipés de drapeaux rouges s’étaient installés sur le belvédère où on leur a (heureusement) laissé loisir d’étaler des banderoles réclamant la « démocratie directe » ou autre « réquisition citoyenne », chanter l’Internationale ou souhaiter en musique la mise à bas de l’état policier.
Un artiste engagé
C’est d’autant plus dommage que Dugudus, le graphiste à l’initiative de l’intervention artistique est un spécialiste de l’affiche engagée, formé à Cuba et en Amérique latine. A Paris, dès 2012, il monte son propre atelier de sérigraphie de rue sur le parcours d’un cortège du 1er mai. Le dispositif permet d’imprimer et distribuer directement aux manifestants des affiches ; il a été reconduit lors des rassemblements pour le Mariage pour tous ou Nuit debout. En tout cas, l’artiste est quelqu’un qui ne craint pas la foule…
Cette fois, Dugudus s’est allié les compétences d’Hugo Rousselle, jeune doctorant en histoire spécialiste de la Commune, afin d’identifier les personnages les plus inspirants et les représenter, en taille réelle et vêtus de couleurs vives, avec les attributs de leur fonction : ici l’institutrice Marie Bonnevial, là l’avocat Eugène Protot, ailleurs encore Jules Vallès et son journal Le Cri du peuple, le tirailleur algérien Mohamed Ben Ali, voire l’écrivaine et journaliste Anna Jaclard.
Silhouettes d’hier et d’aujourd’hui
Chaque silhouette est déplacée par un bénévole choisi pour l’occasion parmi des connaissances des deux porteurs du projet. Ainsi, Magali et Christophe, deux syndicalistes, sont venus de Narbonne, où ils organisent chaque année un festival du cinéma social, pour encadrer la silhouette d’Emile Digeon, chef provisoire de la Commune narbonnaise. Ismahane, étudiante en droit, flanque la lieutenant Faure, une fédérée habitante de la rue Myrha, qu’elle avait choisie « parce que c’est une femme et que les femmes de la Commune ne sont pas si connues ». L’historienne Mathilde Larrère, spécialiste des mouvements révolutionnaires et du maintien de l’ordre, s’est, elle, chargée d’accompagner Louise Michel… (photo en Une). Bref une belle idée un peu gâchée par les « précautions sanitaires » même si les portes du jardin se sont ouvertes vers 11 h afin de permettre aux badauds de venir s’immortaliser en selfie avec les héros populaires du XIXe.
La performance aura cependant l’opportunité de se promener dans Paris, où on l’espère plus visible. Dans les jours qui viennent, les 50 silhouettes seront installées dans d’autres lieux symboliques de la Commune : sur les grilles de l’Hôtel de Ville (2-18 avril), de la gare de l’Est (20 avril-9 mai), des Buttes-Chaumont (11-27 mai), ainsi qu’à la mairie du 3e arrondissement (2-18 avril).
Un ouvrage a également été conçu avec les illustrations de Dugudus et la participation d’Hugo Rousselle, Nous la Commune, à commander en ligne
Photo : Thierry Nectoux