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mai 2022 / Grands travaux : un paysage urbain en chantiers

Chapelle International : un quartier innovant en devenir

par Dominique Gaucher

Transformer un ancien site ferroviaire en écoquartier pour une nouvelle urbanité conciliant densité et cadre de vie, favoriser toutes les mixités grâce à de nouvelles formes d’habitat intégrées aux activités … Chapelle International relèvera-t-il le défi de ses concepteurs ?

En ce froid samedi de printemps, Chapelle International ne brille pas par son attractivité. En entrant sur le site, on voit à droite deux tours en construction. Quelques jeunes rejoignent la salle de sport Basic Fit, située le long du faisceau ferroviaire. Quelques dizaines de mètres plus loin, le grossiste alimentaire Métro, destiné aux professionnels, accueille de rares clients.

Pourtant, on remarque avant d’arriver aux très hauts immeubles édifiés le long du boulevard Ney des bâtiments d’un seul étage dont le rez-de-chaussée affiche une vocation commerciale. Ce sont les SoHo, « small office home office (petits bureaux, bureaux à domicile) », concept anglo-saxon associant lieux de production et d’habitation. Une première dans notre pays.

Quartier de mixités

A l’origine de l’idée, le bureau d’architecture et urbanisme AUC (Ab Urbe Condita ou Depuis la fondation de la ville) retenu pour la maîtrise d’œuvre urbaine. « Chapelle International est un projet de sol et de ciel. Sol, parce qu’un espace urbain vivant est celui où les pieds d’immeubles suscitent des pratiques et usages diversifiés ; ce que le concept de SoHo permet sur près de 10 000 m2, avec un double niveau de sept mètres. Ciel, parce que dès l’origine de la conception du projet, nous avons voulu faire de Chapelle International un quartier métropolitain en prise avec la géographie du Grand Paris, où les rapports entre le proche et le lointain dessinent les qualités des logements avec des vues imprenables notamment sur Montmartre » (dans AUC Autobiographie).

L’hôtel logistique développé par Sogaris et inauguré en 2018 constitue l’autre spécificité de ce quartier en gestation. Il illustre l’objectif de coexistence, sur l’ancien site ferroviaire de sept hectares, d’une activité logistique et d’habitations. « Des conteneurs de taille réduite, acheminés par rail, seront ensuite redistribués dans la capitale par des véhicules non polluants », indiquait la Mairie de Paris en 2018. On envisageait alors quatre navettes ferroviaires par jour. L’ambition de la ville et d’Espaces ferroviaires est de réaliser, une fois la construction de Chapelle International achevée en 2024, un quartier de mixité. Mixité résidentielle puisque l’offre se répartit entre logements libres, intermédiaires et sociaux ; mixité économique avec les SoHo, la base logistique et les bureaux.

D’ici 2024, le quartier devrait accueillir 3 000 habitants et autant de salariés. Difficile, tant qu’il n’est pas achevé, de savoir si le dessein de ses concepteurs sera atteint.

Développer la place du rail

Actuellement, certains aspects économiques apparaissent préoccupants. Le nouveau site de logistique multimodale aux portes de Paris a vocation à accueillir des convois. Un train remplace plusieurs centaines de camions. Mais le terminal ferroviaire n’en a encore vu aucun.

En cause, les difficultés à rentabiliser l’activité ferroviaire dues, entre autres facteurs, à une politique de transports de marchandises insuffisamment incitative pour développer la place du rail. Pour compenser ce manque à gagner, Sogaris a obtenu le droit de construire des bureaux supplémentaires le long de la halle. Il a aussi pu installer sur la toiture deux modules de commerces avec un club de sports et un restaurant ainsi que 7 000 m2 d’agriculture urbaine et des terrains de sport de la Ville de Paris. Sur cette opération, les recettes de Sogaris proviennent totalement du revenu des bureaux et commerces loués au prix du marché. Elles permettent de financer l’investissement logistique.

Valeur symbolique

L’occupation des 62 SoHo n’apparaît pas non plus évidente. Ils sont proposés depuis le printemps 2019 et une vingtaine accueille actuellement diverses activités. Avec la crise sanitaire, certains ont dû demander des facilités de paiement. Des candidats renoncent à leurs projets... d’autres attendent des jours meilleurs. La RIVP, chargée de leur location, reçoit en moyenne quatre à cinq candidatures par mois. Une commission les examine tous les deux mois.

Par ailleurs, le développement du télétravail, les difficultés générées par le Covid et la concurrence d’autres lieux plus attractifs, ne facilitent pas l’occupation des 35 000 m2 de bureaux. Deux immeubles situés le long du boulevard Ney, Kara et Tribeca, sont particulièrement concernés avec leurs surfaces de 14 000 et 21 000 m2. Depuis l’automne dernier, leur commercialisation est en cours.

Espérons que les incertitudes pesant sur ces activités économiques n’entraveront pas l’émergence d’une réelle vie de quartier. D’autant que la place allouée aux commerces ne saurait sauver la mise ! Avec 700 m2, elle semble bien limitée pour un secteur manquant déjà de magasins. Il serait dommage que l’objectif d’un territoire aux « pratiques et usages diversifiés » ne puisse se matérialiser là où sa concrétisation aurait pourtant une valeur hautement symbolique et bien utile à l’essor du vivre ensemble.

Photo : Jean-Claude N’Diaye

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