Ça se corse. S’il suffisait d’une simple formalité en pleine période de pandémie pour obtenir une terrasse éphémère, se voir attribuer le même espace à compter du 1er avril est une autre paire de manches.
A l’approche du printemps, les cafés et restaurants parisiens doivent se voir fournir par la Mairie de Paris une autorisation de terrasse estivale ou pérenne. Or à la mi-mars, selon Stéphane Cachelin, vice-président de l’Association des commerçants de Lepic-Abbesses (ACLA) et des rues adjacentes, 12 000 demandes de terrasses émanant de restaurateurs, cafetiers, mais aussi d’étalages de primeurs et de fleuristes n’avaient pas été traitées par les services de la Ville sur l’ensemble de Paris.
L’an passé, en raison de la pandémie de Covid-19, des « terrasses éphémères » avaient vu le jour. « C’était alors une simple formalité, explique un restaurateur de Montmartre. On envoyait un e-mail avec engagement de suivre une charte des bonnes pratiques en matière de respect des heures de fermeture, de propreté, de respect des stationnements handicapés et, le lendemain, on recevait un numéro d’autorisation. C’était du simple déclaratif. »
Des riverains anti-terrasses
Cette année, indique Stéphane Cachelin, la Mairie de Paris va attribuer des autorisations de « terrasses estivales », qui feront suite à un arrêté municipal et répondront à des critères précis : être éloigné d’un passage piétons, d’un stationnement vélos ou motos, etc. Le vice-président de l’ACLA indique que, selon les remontées de ses quelque 400 adhérents, « il y a beaucoup de refus. Les services de la voirie, basés dans le 13e arrondissement, sont tatillons, ils appliquent les règlements à la lettre sans tenir compte des réalités de terrain et sont sous la pression des associations de riverains anti-terrasses ». Selon Jean-Philippe Daviaud, élu (PS) à la mairie du 18e chargé du commerce : « A la mi-mars, dans l’arrondissement, sur 500 demandes de terrasses estivales, il y avait plus de 50 % de refus. Ce sont essentiellement des commerçants verbalisés l’été dernier pour non-respect des heures de fermeture. » On se rappelle en effet que de nombreux habitants se sont plaints de nuisances, notamment sonores, liées aux terrasses éphémères l’été dernier. « Mais il faut aussi noter que la présence de terrasses a un impact positif sur les incivilités et la propreté », tient à préciser Marie-Claude Nédan, de l’Association des commerçants du quartier Ordener (ACQO). « D’autres se sont vu administrer un refus pour des raisons d’esthétique, poursuit Jean-Philippe Daviaud. S’ils présentent un nouveau projet, ils peuvent encore être acceptés avant le 1er avril. »
Une situation très tendue
La commission chargée de l’attribution des terrasses estivales, en liaison avec la direction de l’urbanisme, la police municipale et la Police nationale, décide de ces attributions au fil de l’eau. « Nous avons eu plusieurs réunions, observe Jean-Philippe Daviaud. Nous en aurons une fin mars. Nous étudions tous les paramètres et tâchons de satisfaire au mieux les quelque 8 000 à 10 000 cafetiers et restaurateurs parisiens. »
La situation est assez tendue pour les commerçants – qui attendent de savoir s’ils auront ou non une terrasse – puisque l’évolution de leur chiffre d’affaires en dépend. « Il y a un sujet économique important d’un côté, avec des emplois à la clé, et de l’autre des intérêts individuels tout à fait légitimes », note Marie-Claude Nédan, de l’ACQO. Les cafetiers-restaurateurs doivent par ailleurs pré-commander des terrasses en bois, « alors qu’il y a une grande pénurie de ce matériau au niveau international », souligne Stéphane Cachelin.
Une délégation de l’ACLA a été reçue en mairie. Les deux représentants des commerçants de la Butte ont demandé à être associés aux travaux de la commission d’attribution des terrasses. « « Nous connaissons bien notre quartier. Lepic-Abbesses est le deuxième secteur le plus commerçant de Paris après celui de la rue du Commerce (dans le 15e). » Leur demande a été rejetée.•
Photo : Dominique Dugay