Un jeune flic, Michaël Beaulieu, orphelin de guerre, est désigné pour surveiller de l’intérieur une organisation indépendantiste tamoule. Sa mission : identifier leurs commanditaires. Il va vite se sentir tiraillé entre la fidélité à ses origines srilankaises et son devoir de fonctionnaire français.
Little Jaffna, surnom de la rue du faubourg Saint-Denis où abondent les boutiques tenues par des exilés srilankais (voir page 18) était déjà le titre du court métrage de Lawrence Valin en 2017. Le premier rôle était tenu par Antonythasan Jesuthasan, la révélation du Dheepan de Jacques Audiard. C’était son projet de fin d’études à la Femis. Deux ans plus tard Lawrence Valin réalise un moyen métrage The Loyal Man, une romance entre un homme de main de la pègre et une immigrée clandestine. Les ingrédients du cinéma de Valin sont déjà là. Il déclare : « Je caresse le rêve explosif de réaliser un blockbuster d’auteur. Un cinéma tourné à la fois vers le spectacle, l’intime et le partage. » Le réalisateur s’applique à mettre en valeur un groupe ethnique (16 000 personnes à Paris) préoccupé en permanence par un lointain conflit qui fait de nombreux morts mais peu de bruit.
Au départ Lawrence Visvalingam était comédien. En 2015 il joue dans Paki’s flowers de Nas Lazreg. Il est si convaincant qu’on le prend pour un véritable vendeur de roses. Les rôles qu’on lui propose ensuite sont tous du même genre. Aussi, décide-t’il de s’écrire des personnages plus complexes et moins typés.
à la croisée des influences
Nourri du cinéma de Kollywood (celui de l’Inde du sud produit à Madras/Chenaï) mais aussi admirateur de Ghost Dog de Jim Jarmusch et de Drive de Nicolas Winding Refn, le réalisateur aime l’action, les courses poursuites mais aussi l’expression des sentiments. On perçoit ici un écho du drame shakespearien. Lawrence Valin œuvre avec d’autres scénaristes (cinq sur ce projet qui sera récompensé par la Fondation Gan). Il adopte les codes du polar connus de tous, permettant d’entrer facilement dans le récit. Par ce biais, on s’intéresse au quotidien d’une communauté rarement représentée à l’écran. Les chansons imprègnent le film, lui donnant sa couleur et son parfum.
Le tournage de Little Jaffna s’est déroulé de la mi-septembre à début novembre 2023. Le titre d’abord choisi était Eelam (terre natale). L’équipe investit le quartier de La Chapelle. Pas de stars à l’affiche, des figurants castés dans la rue et quelques acteurs recrutés en Inde. L’équipe technique, fidèle, était déjà présente sur le premier court métrage. Le film reflète la personnalité composite de son réalisateur : srilankais né en France, enfant de la Courneuve scolarisé dans une chic école privée, citoyen parfaitement intégré renvoyé sans cesse à ses origines.
Little Jaffna, Lawrence Valin, en salle à partir du 3 juillet.