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juillet/août 2024 / Les Gens

Catherine Nevannen, une vie consacrée à l’école

par Sylvie Chatelin

L’heure de la retraite a sonné pour Catherine Nevannen, l’énergique directrice de l’école Simplon depuis son ouverture en 2004. Vingt ans d’engagement pour la mixité et l’accès à la culture pour tous.

Si active et dynamique depuis le début de sa carrière, Catherine Nevannen s’étonne que tout le monde lui demande si elle a des projets pour la suite. « Je n’en ai pas même si j’aimerais profiter du temps », rétorque celle qui en a cruellement manqué et énormément donné jusqu’à maintenant. Un vœu pieux sans doute pour cette femme qui, aux yeux d’Ana-Lia, enseignante depuis sept ans dans l’école et devenue amie, « a vraiment incarné la mission du service public ». Car avant Simplon, faute de poste dans le 18e, Catherine Nevannen est passée par la Nouvelle-Calédonie, où elle a enseigné en brousse, avant de revenir dans l’arrondissement et de prendre la direction de l’école de la rue du Département de 2000 à 2003. Entre temps, ses années à l’école Houdon avec l’équipe qui a mis en place l’aménagement du temps de l’enfant l’ont profondément marquée et influencée. Ce n’est donc pas un hasard qu’elle soit arrivée à Simplon, même si au départ elle n’avait pas envie de venir dans « un quartier qui était à l’époque jugé difficile ». Pourtant, elle a tout de suite aimé Simplon, cet endroit « où les gens sont adorables et où on a fait plein de projets ».

Une directrice inspirante

Installer l’établissement scolaire dans le quartier et l’ouvrir aux parents d’élèves : voilà l’un des premiers objectifs que s’est donné Catherine Nevannen il y a vingt ans. « Chaque fois qu’il y avait des incidents, je sortais voir les parents, explique-t-elle. On a vécu des périodes difficiles, c‘est comme la vie, mais il y a eu de très beaux moments. » De très beaux projets éducatifs aussi, puisque l’école a travaillé avec l’association Simplon en fêtes, participé aux fêtes de quartier et à la conception de Culture sur cour. Ana-Lia, pour qui Catherine a été un vrai mentor, le confirme : « Elle m’a transmis l’idée que l’école n’est pas seulement un lieu où l’on apprend, mais aussi un formidable vecteur pour créer du lien dans les quartiers populaires, grâce à une pratique instrumentale, un développement de leur esprit critique et la transmission du collectif. »

Les collègues de Catherine Nevannen ne sont pas les seuls à avoir été marqués par sa vision de l’éducation scolaire. Les parents également, à l’image de Jean-Christophe, père de trois enfants, anciens élèves de l’école. « Catherine a construit une école où nos enfants ont pu s’épanouir dans la sérénité, la joie, la confiance en soi et le bonheur, tout simplement. Elle a mis tous les moyens pour que les enseignants et les agents se mettent au service de leur bien-être. »

Car très vite Catherine propose des activités périscolaires culturelles et artistiques. En 2005, elle crée même l’association « 4 à 4 dix-huit » avec les trois autres écoles du quartier (rue des Amiraux, rue des Poissonniers et celle du 7 rue Championnet) avec un objet clair : mixité sociale et réussite scolaire des élèves. Très rapidement, un pôle musical voit le jour et avec lui une longue collaboration de onze ans avec la compagnie d’opéra comique, Les Frivolités parisiennes, offrant chaque année des spectacles où les enfants dansent, jouent, chantent et se produisent dans le grand amphithéâtre de l’université Clignancourt devant 600 personnes et à la Halle Pajol. En parallèle, elle met également en place une pratique instrumentale (voir notre numéro 325) avec l’association nationale Orchestre à l’école, l’objectif étant qu’un projet soit labellisé avant son départ et puisse perdurer ensuite.

Héritage familial

Issue d’une famille populaire, Catherine Nevannen a grandi entre deux milieux. Celui de son père, fils d’ouvrier, devenu énarque et haut fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, conscient qu’il ne possédait pas la culture et les codes de son nouveau milieu et qui, à travers ses enfants, voulait prendre une revanche sur la vie. Très attaché à la réussite scolaire, il les fait grandir, elle et son frère, dans le 17e, à quatre dans un deux-pièces, dans « un arrondissement qu’il pensait bon pour nous ». Catherine se rend compte que, contrairement à elle, toutes ses amies font de la danse, de la musique et comprend très vite qu’il y a deux solutions : faire comme son père en considérant que ce n’est pas pour elle ou, au contraire, foncer vers ce milieu étranger. Elle a clairement choisi la seconde option. Pour elle-même et pour les élèves dont elle a la charge, même si elle souligne qu’elle a subi quelques petites humiliations à la danse et toujours senti qu’elle n’était pas de la même extraction sociale.

Elle s’est enrichie de cette confrontation et s’est convaincue que la mixité au niveau de l’éducation et de la construction de sa vie est indispensable. Confrontation également dans son milieu familial. Sa mère, assistante sociale, fille de colons en Indochine (son grand-père industriel était parti y installer les chemins de fer) avait mené la grande vie. « Je me sens riche des récits de ma mère qui a vécu une vie dorée de grande bourgeoise, affirme-t-elle. Mais aussi de ceux de mon grand-père paternel qui travaillait dans une usine de haricots verts à Quimperlé, de mon père qui a eu une vie chaotique et accidentée et de tous les gens que j’ai rencontrés, ici, à l’école. »

La reine de la bricole

Malgré son départ, l’ancienne directrice de l’école Simplon aimerait accompagner la nouvelle direction – si elle le souhaite – dans le prolongement de son action. En attendant, elle a été tout au plaisir des multiples fêtes organisées en son honneur par son équipe, les parents, les associations du quartier et les élèves, présents et anciens. « Tous se sont cotisés pour m’offrir un vélo-cargo électrique, s’extasie-t-elle dans un sourire radieux. Le tout, avec une petite caisse pour trimballer toutes les affaires de l’association car tout le monde sait que je bricole beaucoup : tous mes petits morceaux de bois. » Une chose est sûre, à la retraite, Catherine Nevannen ne risque pas de s’ennuyer.

Photo : Thierry Nectoux

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