S’il n’y a plus de campement porte de La Chapelle ou à Stalingrad, les exilés n’ont pas pour autant déserté le pavé. Pour obtenir des hébergements et solutions pérennes, les associations qui leur viennent en aide lancent des actions d’occupation.
Utopia 56 a référencé 1 300 familles à la rue cette année (et hébergé 3 300 personnes pendant 23 jours en moyenne), résume Yan Manzi, d’Utopia 56. Ces chiffres mettent en lumière l’abandon par l’Etat des populations précaires, SDF ou exilées. » Depuis l’évacuation du 17 novembre (lire notre n° 288), les organisations de protection des personnes exilées ont donc décidé de passer à la vitesse supérieure et se sont associées au DAL (Droit au logement) au sein du Collectif Réquisition*. « Nous avons toujours cherché à nous rapprocher les unes des autres pour avoir davantage d’impact dans nos actions, résume Jean-Jacques Clément, membre de Solidarité migrants Wilson. Actuellement, nous arrivons à nous réunir en inter-orga et à être une quarantaine d’associations de dimensions, modes d’organisation et ancienneté diverses. »
Derrière la bannière du DAL, opérateur de l’historique et médiatisée occupation de la rue du Dragon, en 1994, les personnes exilées sont assurées
de bénéficier d’une solide expertise : « Le DAL connaît le droit jusqu’au bout des doigts, rappelle Yan Manzi. Car la réquisition de bâtiments ou logements vides, en cas d’urgence, est inscrite dans la loi. Il faut l’appliquer, d’autant qu’avec la Covid, en plus des exilés, des centaines de compatriotes basculent aussi à la rue. »
Passage à l’action
Depuis les évacuations médiatisées de la porte de Paris et de la place de la République (le 23 novembre), le collectif n’a pas chômé : élaboration d’une liste de bâtiments disponibles à la réquisition (lire ci-contre), manifestation devant le ministère du Logement le 2 janvier, dépôt massif de demandes d’hébergement auprès de la Préfecture… « Puis nous sommes passés à l’action en occupant l’école Erlanger, le 24 janvier », résume Yan Manzi.
En une longue journée, l’évacuation de l’école (vouée à être remplacée par des logements sociaux mais dont la destruction est actuellement bloquée pour des raisons juridiques) a été organisée par la Mairie.
Direction : des gymnases, des hôtels, des centres d’hébergement d’urgence provisoires pour les 200 participants à l’occupation. « Mais il n’y a pas de volonté politique, insiste Yan Manzi. Ce système d’hébergement d’urgence ne fonctionne plus. Il est maltraitant. Il faut arrêter de rentrer les gens puis les faire sortir. C’est insupportable et ça coûte une blinde. Nous voulons quelque chose de pérenne. »
Des centres temporaires
Alors le 13 février, rebelote, à l’Hôtel-Dieu cette fois, avec quelque 80 personnes sans logement. Le site a été en partie cédé à un promoteur immobilier pour un projet hôtelier de luxe.
En attendant, il offre de larges espaces vides et sains. "L’évacuation a été rapide, rapporte Jean-Jacques Clément. Nous sommes sortis avant minuit.
Les personnes ont été prises en charge par le 115, donc l’Etat. Les hommes ont été dirigés porte de la Villette, dans un centre temporaire le long du périphérique. Ca se passe assez mal, car les personnes sont ensuite envoyées dans des centres d’accueil et d’examen de la situation (CAES) en province.« Les femmes et les mineurs ont quant à eux été le plus souvent orientés vers des hôtels du nord-est parisien, entre les portes de Clichy et de Clignancourt. »A présent, nous sensibilisons les personnes à leurs droits, car ces prises en charge, un jour, s’arrêteront et elles seront remises à la rue, ajoute Yan Manzi. Donc nous allons dans ces lieux d’hébergement et nous tractons, en leur disant qu’elles ne doivent pas accepter de partir, car un toit est un droit.« Et pour lutter contre l’invisibilisation des personnes exilées, Utopia 56 a décidé de déplacer sa permanence d’accueil juridique. Celle-ci ne se tient plus au centre Rosa Parks, tous les mardis ; elle a lieu désormais tous les soirs à partir de 18 h, sur la place de l’Hôtel-de-Ville. »Et il y aura d’autres actions, dans d’autres villes et au niveau national." Un appel européen à manifestation est également lancé pour le 27 mars.
A lire aussi dans ce dossier :