L’association Paris en Selle appelle à revoir l’ensemble du plan de circulation de l’arrondissement pour rendre la ville plus vivable à vélo.
Le bilan des pistes cyclables post-confinement semble largement positif, mais la crainte de l’accident reste l’un des principaux freins à la pratique du vélo.
En un an, vous êtes deux fois plus à prendre votre bicyclette pour vous déplacer. Une progression fulgurante liée essentiellement à la multiplication des coronapistes depuis mai 2020. En séparant les cyclistes des voitures par des plots ou des glissières en béton, elles ont aidé de nombreux Parisiens à sauter le pas. De belles avancées, salue l’association Paris en Selle. « Quand on les interroge, la majorité des habitants se dit prête à passer au vélo, mais seulement s’il y a des aménagements garantissant la sécurité », résume Alexandre Becker, l’un des référents de l’association dans le 18e.
Parmi les aménagements les plus spectaculaires, trois axes (avenues de Clichy et de Saint-Ouen/rue de La Chapelle/boulevard Ornano) permettent maintenant de traverser l’arrondissement en tous sens et s’inscrivent dans le cadre du réseau vélo d’Ile-de-France (ou RER V) et du vélopolitain, en dépit de quelques défauts. Les cyclistes se retrouvent en effet au milieu des voitures sur certaines portions, séparées par de simples plots.
Mieux partager l’espace
Malgré ces aménagements, Paris accuse encore un retard par rapport à Copenhague ou Amsterdam. Pour rendre le vélo désirable et accessible à tous, il faudrait un vrai maillage continu et de qualité, estime Paris en Selle. « Quelle ville veut-on avoir dans cinq ans, interroge Alexandre Becker. Le plan de circulation n’a quasiment pas bougé en cinquante ans et devrait être revu. Nous ne voulons pas faire disparaître la voiture mais partager l’espace de manière plus équitable. Dans le 18e, seuls 30 % des ménages ont une voiture. Les autres subissent cette occupation de l’espace, le bruit et la pollution. »
L’idée ? Obliger les voitures à rester sur les grands axes et réserver les autres rues aux habitants et aux livreurs. Cela éviterait qu’elles servent de raccourcis pour gagner quelques minutes et éviter des feux comme la rue Boucry ou la rue Marcadet (loin de correspondre à la rue cyclable un temps annoncée par la municipalité). Sur ces chaussées étroites, pédaler dans la circulation à contre-sens est réservé aux plus intrépides, la plupart des voitures ignorant l’obligation, prévue par le Code de la route, de céder le passage aux vélos.
La Goutte d’Or, un exemple à suivre
A la Goutte d’Or, le sens de circulation de plusieurs rues a été modifié depuis l’été dernier pour que le quartier ne se transforme plus en itinéraire bis du boulevard de La Chapelle ou pour rejoindre l’A1. Résultat, une baisse de la circulation globale et un quartier plus calme et plus agréable. « Dès qu’une rue enregistre moins de passages de voiture, elle devient cyclable. Pas besoin d’installer des voies réservées partout, il faudrait adopter la même démarche à Simplon et aux Grandes Carrières », préconise Paris en Selle 18e.
Baisser la vitesse des voitures et scooters est un moyen prouvé de diminuer les accidents. Passer l’intégralité de l’arrondissement en zone 30 (annoncé plusieurs fois par la Mairie) permettrait ainsi de rassurer les cyclistes, surtout les hésitants. C’est aussi un préalable pour mettre en double-sens les quelques rues (Custine, Ramey ou Clignancourt autour de Montmartre) qui ne le sont pas encore.
Autre point noir, les portes de Paris situées le long du boulevard Ney – La Chapelle, Clignancourt, Saint-Ouen. Très empruntées par celles et ceux qui naviguent d’est en ouest, elles devraient être réaménagées pour limiter les dangers, recommande Paris en Selle. Une des solutions résidant dans des ilôts de protection au niveau des carrefours.
L’installation de nouveaux aménagements n’est cependant pas du goût de tout le monde, notamment des automobilistes réguliers. « Il peut y avoir des problèmes à certains endroits précis quand les travaux sont récents. Changer les habitudes des automobilistes prend du temps, par exemple pour ceux qui ne viennent à Paris qu’une fois par mois », répond sans hésiter Alexandre Becker qui rappelle que les embouteillages ne datent pas des coronapistes et que « ce sont davantage les voitures que les pistes cyclables qui sont responsables des ralentissements des bus ».
Au total, d’après une étude de la préfecture d’Ile-de-France publiée en janvier1, la congestion automobile a été réduite de 4 %, tandis que le flux des voitures n’a baissé que de 1,5 %. A propos de bus, la cohabitation avec les vélos sur les voies réservées, comme rue Ordener, reste compliquée. Rouler sur un couloir de bus n’est pas toujours très rassurant, surtout pour les familles avec enfants. « L’idéal ce sont les voies séparées. A défaut, cela vaudrait le coup d’interdire les dépassements des vélos par les bus, comme à Londres, ou a minima élargir ces chaussées ». Ce qui signifierait limiter encore un peu plus la place laissée aux voitures. La Mairie et les habitants y sont-ils prêts ? •