L’association Graine de jardins, fondée en 2001, a fêté le 16 octobre dernier ses vingt ans d’actions pour la création de jardins partagés en milieu urbain et semi-urbain. Retour sur une histoire de luttes et de réussites.
« Graine de jardins entretient une dynamique très importante. Elle a été précieuse pour nous donner des conseils, créer un réseau, dialoguer avec les politiques », observe Thomas Augais, du Bois Dormoy. Cette association a bataillé dur en 2016 pour éviter que le petit poumon vert enchassé entre des immeubles de La Chapelle ne soit gommé par la construction d’un Ehpad et d’une crèche souhaités par la Mairie. Soutenue sur le plan juridique par Graine de jardins, le Bois Dormoy a finalement été classé espace vert dans le plan local d’urbanisme.
Les origines de l’association remontent à 1997. A l’époque, Laurence Baudelet, ethno-urbaniste, réfléchit à une idée qui avait déjà fait son chemin aux Etats-Unis et au Canada, celle des « community gardens ». Avec le soutien de la Fondation de France, et de quelques passionnés, elle crée en Ile-de-France, en 2001, Graine de jardins, qui devient la tête de pont du réseau national « Jardin dans tous ses états » et qui a pour mission le soutien à la création de jardins partagés.
Lien social et environnement
A la différence des historiques « jardins ouvriers », créés au XIXe siècle avec le soutien des patrons, qui deviennent peu à peu les « jardins familiaux », ou encore des « jardins d’insertion » ou ceux pédagogiques, les jardins partagés sont une autre branche de la famille des « jardins ». Leur credo réside dans l’entretien du lien social, la création de lieux de verdure sans produits phyto-sanitaires, la participation collective des habitants à la gestion de leur cadre de vie, le contact avec la nature.
Graine de jardins intervient dans l’accompagnement à la naissance de ces jardins, souhaités au départ par des habitants mais aussi de plus en plus par des bailleurs sociaux soucieux de paix sociale. Cela se traduit par l’aide à la création obligatoire d’une association, la rédaction d’une charte ou de statuts, le repérage des friches disponibles, les négociations avec les propriétaires, privés ou publics, l’évaluation des besoins (eau, clôture, nature de la terre et des types de plantations).
200 jardins à Paris
Tout ne va pas toujours de soi, surtout lorsque l’on connaît l’évolution du prix du foncier dans la région parisienne ainsi que ses besoins en logements. Pourtant dans certaines situations, les pouvoirs publics ou les bailleurs sociaux n’hésitent pas à solliciter l’association pour des conseils ou de la médiation. C’est le cas, actuellement, dans le 13e, pour la création d’un jardin partagé sur l’emplacement d’un parking, avec toutes les questions environnementales, écologiques qu’un tel projet pose !
Graine de jardins a diversifié tout au long de ces vingt ans ses formes de collaboration en créant un portail-ressource, en organisant des manifestations qui ont fédéré les associations, comme des balades au jardin menées par Jacky Libaud (rédacteur de la rubrique Nature au 18e du mois), des rondes de pique-nique, des colloques mais aussi de la formation. Elle a contribué à développer les politiques publiques au-delà des limites de Paris, par exemple à Montreuil et Arcueil. Quant au local de l’association, situé rue de Jessaint, il accueille une « outilthèque » qui prête du matériel ainsi qu’une bibliothèque.
Les jardins partagés en Ile-de-France sont maintenant au nombre de 300, dont 200 rien qu’à Paris, principalement dans le nord/nord-est, et quinze dans le 18e. Leur existence est toujours un peu fragile : à la Goutte d’Or, par exemple, certains ont été expropriés pour cause de construction. Ils sont de toute taille, on y cultive salades, tomates, fleurs voire arbres fruitiers, en pleine terre ou en bacs, selon les lieux. Mais les friches en région parisienne sont de plus en plus rares. « L’association n’a plus de salariés, elle fonctionne avec les sept bénévoles de son conseil d’administration », précise Frédérique Basset, administratrice.
Un programme avec la Mairie de Paris
Le programme « Main verte », pensé en concertation avec Graine de jardins par la Mairie de Paris en 2003, qui soutient la création de jardins en échange de leur ouverture au public et de l’organisation de manifestations, a beaucoup compté dans la multiplication des jardins parisiens. Ce dispositif, inspiré par le programme « Green thumb » new-yorkais, est aussi à l’origine de l’échange qui s’est déroulé cette année entre Berlin et Paris, en partenariat avec le Centre français de Berlin. Un projet qui souligne le désir de l’association de s’ouvrir à l’Europe.
Comme l’explique Marine Cerceau, spécialiste de la gestion des milieux naturels qui collabore à Graine de jardins : « Bien que disposant d’espaces plus étendus que les nôtres, les collectifs berlinois souffrent de l’absence de soutien institutionnel. Ils doivent trouver les fonds par eux mêmes, en se mobilisant ou en faisant appel à des associations. »
Mais l’idée du voyage n’était pas seulement l’échange entre les deux villes : « Nous avons souhaité aussi recréer des liens entre les jardins de Paris, car actuellement moins d’évènements les rassemblent. Les équipes associatives vieillissent, certains jardins manquent de bénévoles, il faut remobiliser les forces. A Berlin, nous avons été confrontés à une culture du combat, c’était stimulant. » Un film sur ce voyage est en cours de montage et l’idée d’un congrès européen est en train d’émerger.
Vingt années bien remplies donc, et encore de nombreux projets en perspective. C’est tout ce que l’on souhaite à Graine de jardins. •
Photo : Jean-Claude N’Diaye