La Région a annoncé la fermeture prochaine de neuf lycées parisiens. La mobilisation s’organise dans les deux établissements du 18e concernés face à ce qu’enseignants et parents considèrent comme une perte de chance pour les élèves.
« On était sous le choc quand on a appris la fermeture du lycée pour la rentrée 2023. » Souhila Hadji, professeure d’anglais au lycée professionnel Suzanne Valadon dans le 18e, comme beaucoup de ses collègues, est tombée des nues en apprenant la nouvelle : la région Île-de-France prévoit de fermer sept lycées parisiens, dont six professionnels, à la rentrée 2023. Deux autres suivront en 2024, dont Rabelais, dans le 18e aussi, situé porte de Clignancourt. Après la surprise et l’incompréhension vint la colère. Cette décision, prise sans concertation, est vivement dénoncée par les professeurs, parents d’élèves et lycéens mobilisés. Le mercredi 16 novembre devant la Sorbonne, ils étaient plus de 200 selon la CGT Education 75, venus de tous les lycées visés par la mesure, pour s’y opposer.
La Région avance comme arguments « la baisse historique des effectifs des lycées de Paris » et la vétusté des bâtiments. Cette décision permettrait de dégager des moyens qui seraient investis dans les lycées en banlieue où les effectifs augmentent. Ce qui ne convainc pas ceux qui sont en première ligne. C’est un « leurre », selon Souhila Hadji. Aujourd’hui, si Valadon compte moins d’élèves, c’est parce que les classes de la filière Gestion-Administration ont peu à peu été fermées ces quatre dernières années par la Région. A Rabelais également, cet argument est contesté. « Il n’y a pas de baisse des effectifs, malgré les nombreux déménagements qu’ont dû vivre les élèves », assure Florent Lazarovici, professeur d’histoire-géographie à Rabelais.
Nécessité d’annuler la fermeture
Déménagements ? En effet, en février 2020, le lycée avait été fermé pour raison de sécurité. Il était alors prévu qu’après la démolition un nouveau bâtiment soit reconstruit. S’ensuivirent plus de deux ans d’errance durant lesquels élèves et corps enseignant ont été ballotés dans différents établissements parisiens, pour certains à plus d’une heure de trajet. Les formations pré-bac sont revenues à la rentrée 2022 dans leur quartier d’origine, dans des bâtiments modulaires en attendant que le nouvel établissement soit érigé. Ravis d’être revenus dans le 18e et alors qu’ils s’apprêtaient à voir les travaux commencer, le lycée a donc reçu l’annonce de sa fermeture.
Olivier Romain, professeur d’anglais à Rabelais, dénonce un « acharnement pervers » de la part de la Région à l’encontre du dernier lycée général et technologique du 18e, troisième arrondissement le plus peuplé de Paris. Son collègue Florent Lazarovici résume : « Il faut annuler la décision de la fermeture et construire le bâtiment », où reviendraient alors les formations BTS (Brevet de technicien supérieur), aujourd’hui délocalisées dans le 13e et 14e. La fermeture risque de compromettre les multiples projets en cours (partenariats avec Sciences Po, programme Eloquentia qui forme les jeunes à la prise de parole, mentorat avec Sorbonne Université).
« C’est une injustice sociale », pour Souhila Hadji. « Au nom de la mixité sociale, on fait bouger les jeunes de populations défavorisées. » A Valadon comme à Rabelais, le nombre réduit d’élèves par classe (14 à Valadon, environ 25 à Rabelais) permet un suivi pédagogique et un enseignement de qualité auprès d’élèves souvent en difficulté. Dans « ces quartiers populaires, cette dimension humaine est importante », précise le conseiller principal d’éducation (CPE) de Rabelais. « Ça fait des années qu’on lutte contre le décrochage scolaire. Là, on est inquiets pour l’avenir de nos élèves », ajoute Souhila Hadji.
Quelle rentrée en 2023 ?
A la rentrée 2023, les élèves de Valadon doivent être relocalisés dans des lycées éloignés : Elisa Lemonnier (12e), Marie Laurencin (10e) et René Cassin (16e). Quant à Rabelais, l’incertitude règne. Nul ne sait ce qu’il adviendra des classes de seconde l’année prochaine et où iront les élèves en 2024. Entre trajets rallongés et arrivée dans des classes déjà chargées, la poursuite scolaire des élèves paraît compromise. Mais, « dans le désespoir, il y a quelques lueurs d’espoir », confie Olivier Romain pour qui la lutte n’est pas finie. Équipe pédagogique, parents et lycéens ne sont pas prêts à abandonner leurs établissements et prévoient de poursuivre la mobilisation. •
Photo : Thierry Nectoux