Journal d’informations locales

Le 18e du mois

Abonnement

FacebookTwitter

décembre 2022 / A poils ou à plumes, le pavé parisien se partage aussi avec les bêtes

Un chien dans la ville

par Magali Grosperrin

Paris compte 29 parcs canins, dont deux dans le 18e. C’est encore trop peu, et bien que les chiens soient nombreux dans la capitale, il faut ferrailler pour qu’une réelle place leur soit accordée dans l’espace public, en bonne intelligence avec leurs congénères et avec les humains.

Environ 100 000 chiens vivent à Paris. Achetés dans des élevages ou à des particuliers (on vend des chiens sur internet), recueillis auprès de la SPA ou d’associations de sauvetage de chiens errants en provenance d’autres pays, tous n’ont pas le même passé ni la même capacité à être éduqués. Pourtant ils se retrouvent à partager un milieu urbain encore peu adapté. Se déplacer avec eux ou leur trouver un endroit où s’ébattre en liberté demeure délicat.

Les petites tailles, à l’abri dans leur sac de voyage, prennent tous les transports en commun, mais la tâche se complique avec les plus grands, interdits – sauf chiens d’aveugle – dans le bus ou qu’il faut museler dans le métro. « Prenez la voiture ! » s’était vu répondre il y a trente ans, par un élu du 16e Alain Lambert, fondateur-gérant de la SARL Education et prévention canines et administrateur en charge de la délégation Médiation animale à la SPA.

De passage au jardin d’Eole avec son chien qu’il transporte désormais dans une carriole à l’avant de sa bicyclette (un vélo-cargo), Alain Lambert explique sillonner Paris pour promouvoir ce qu’il appelle le « cyclodoguisme » : « Un chien peut suivre son maître ou sa maîtresse à vélo ou même en skate, mais il doit y être entraîné, nous proposons donc des ateliers pour cela, en plus d’ateliers de sensibilisation et de médiation. C’est le concept de « chien citoyen » devenu « le chien du citoyen » »l’idée qu’un chien bien éduqué peut s’intégrer parfaitement dans la ville et même favoriser les rapports humains.

Un atout pour la socialisation

C’est aussi le sentiment de Morgane qui vient au parc canin des Jardins d’Eole avec Oka, adorable femelle croisée labrador âgée de 4 ans : « La compagnie d’un animal peut beaucoup aider dans les moments difficiles, et les promenades sont l’occasion d’échanges qui nous sortent d’une certaine forme de solitude en ville. » Encore faut-il des espaces adaptés. La création de ce parc en 2021 est une véritable aubaine pour tous les propriétaires de chiens qu’on y croise. Auparavant Morgane devait se rendre près du Père Lachaise, ou aller jusqu’à Vincennes, « une expédition ! » Manuelle vient de Pantin pour sociabiliser Tao, jeune berger belge mâtiné de malinois et constate qu’il y a encore des efforts à faire : « Paris possède trop peu d’espaces accessibles et d’équipements pour les chiens, j’ai vécu à Strasbourg, on y trouvait des canisettes et des distributeurs de sachets pour les crotte. Rien de tout cela ici. »

Pour Virginie Leroyer, cofondatrice de l’association « Les cabotins de La Chapelle », les raisons de ce manque d’infrastructures invoquées par les services dédiés de la mairie du 18e seraient la peur du vandalisme et l’usage de sacs plastiques qui iraient à l’encontre de la protection de l’environnement. « On est au début de la réflexion et du travail commun engagés entre la mairie et les associations comme la nôtre et les Poilus de la Butte. Pour notre quartier, cela a été beaucoup plus facile d’obtenir l’ouverture du parc qu’à Montmartre, car c’était le moyen de se réapproprier la partie nord-est des Jardins d’Eole. On a fait la demande en juin 2021 d’un accès au jardin pour les chiens tenus en laisse, autorisé dès le mois suivant, et avec la venue des chiens, le public a changé, est devenu plus familial, remplaçant les usagers toxicomanes. La création du parc canin a donc suivi dès septembre de la même année. »

Le parc d’Eole bientôt agrandi

Quand il s’agit de reconquête de l’espace public, les décisions peuvent donc se prendre très vite, et ce qui était un site « expérimental » semble en bonne voie de pérennisation. La Mairie envisage ainsi de faire passer le parc de 200 à 300 m2 début 2023, d’y ajouter une clôture « en dur », un panneau d’affichage avec la charte de bonne conduite des usagers, et même un parcours d’agility. « Ici, on bénéficie d’un espace ouvert, suffisamment distant des habitations, on n’a donc pas de freins du côté des riverains, ce qui n’est pas le cas pour le parc du square Nadar à Montmartre », nuance Virginie.

Il aura en effet fallu plus de quatre années de pourparlers pour la création du parc canin de Montmartre, en mars 2020, confirme Constance Brassens, présidente des Poilus de la Butte : « La demande datait d’il y a plus de vingt ans ! Jusqu’alors, le rendez-vous officieux des promenades était derrière le Sacré-Cœur et devant le Lapin agile. » Fin novembre, des travaux de rénovation du square Nadar devraient d’ailleurs commencer (remplacement des grillettes et création d’un sas pour sécuriser l’entrée et la sortie des chiens) tandis que d’autres projets d’ouverture sont à l’étude dans le 18e. Affaire à suivre pour tous les amoureux des chiens de l’arrondissement…

Dans le même numéro (décembre 2022)

  • Le dossier du mois

    De compagnie ou sauvages, des animaux dans la ville

    Magali Grosperrin, Sylvie Chatelin
    Domestique ou à l’état naturel, l’animal est partout chez lui dans Paris. Chiens et chats sont les plus proches de l’homme. Mais il faut aussi composer avec les rats et les pigeons, qui ne sont pas nécessairement malvenus. Ainsi que protéger certaines espèces à plumes telles que les moineaux. Comment mieux vivre avec eux, qu’il s’agisse de les éduquer, les protéger ou les contenir ? Petit tour de quelques espèces avec lesquelles les Parisiens partagent leur espace public.
  • A poils ou à plumes, le pavé parisien se partage aussi avec les bêtes

    De chats errants à chat libres

    Sylvie Chatelin
    Des amoureux les nourrissent, d’autres les pourchassent. A la mairie du 18e, on tente de rendre leur présence acceptable.
  • A poils ou à plumes, le pavé parisien se partage aussi avec les bêtes

    Habitez-vous dans un quartier moineaux ?

    Sylvie Chatelin
    Voici quatre ans, Paris lançait l’appel à manifestation d’intérêt en faveur des moineaux dont la situation est alarmante : près d’un sur quatre a disparu à Paris depuis les années 2000. Synthèse des principales constatations de ce dispositif publiées par la direction des espaces verts (DEVE).
  • A poils ou à plumes, le pavé parisien se partage aussi avec les bêtes

    Le rat, ce mal-aimé [Article complet]

    Sylvie Chatelin
    Le surmulot rattus norvegicus, plus connu sous son petit nom de « rat » véhicule beaucoup de fantasmes. Sa présence (contrôlée) en ville n’est pourtant pas inutile. Portrait et défense de celui qui accompagne les hommes depuis toujours.
  • La vie du 18e

    Mise à l’abri des migrants : on n’y croit plus

    Joachim Jarreau
    Après une accalmie durant la crise sanitaire, les campements de personnes exilées sont de retour dans le nord-est parisien, assortis du cycle désormais familier : évacuation, mise à l’abri, reformation d’un camp. En arrière plan, le gouvernement diminue pourtant le nombre de places en hébergement d’urgence.
  • La vie du 18e

    Le houx, ce petit rouge qui pique

    Jacky Libaud
    Le houx, bel arbuste décoratif, sert de garde-manger aux oiseaux au cœur de l’hiver qui se régalent de ses jolies baies rouges. Mais n’est pas oiseau qui veut. Attention à ne pas laisser petits et grands les consommer, elles sont toxiques pour les humains.
  • La vie du 18e

    Graine de jardins, dans la fleur de l’âge

    Dominique Boutel
    L’association Graine de jardins, fondée en 2001, a fêté le 16 octobre dernier ses vingt ans d’actions pour la création de jardins partagés en milieu urbain et semi-urbain. Retour sur une histoire de luttes et de réussites.
  • La vie du 18e

    Lycées Valadon et Rabelais : fermeture avec préméditation ?

    Perrine Kempf
    La Région a annoncé la fermeture prochaine de neuf lycées parisiens. La mobilisation s’organise dans les deux établissements du 18e concernés face à ce qu’enseignants et parents considèrent comme une perte de chance pour les élèves.
  • Clignancourt - Jules Joffrin

    Rideau sur la Divette : derniers Verts à Montmartre

    Pia Carron
    L’auvent vert de La Divette est définitivement rangé. Le célèbre bar de la rue Marcadet et repaire des supporters de Saint-Étienne a fermé ses portes début novembre. Son bail n’a pas été renouvelé.
  • Montmartre

    Le CLAP aux enchères

    Erwan Jourand
    L’appel à projets concernant le terrain actuellement occupé par le CLAP, entre l’avenue Junot et la rue Lepic, suscite de nombreuses convoitises.
  • Histoire

    Mesrine, de la rue Boinod à la Porte de Clignancourt

    Annick Amar
    « Nous savons tous, sans exception, que nous sommes condamnés à mort à notre naissance… Je ne trouve pas plus con de mourir d’une balle dans la tête que de mourir au volant d’une R16, ou à Usinor en travaillant pour le SMIG… Mon métier, c’est de braquer. Alors mourir ou prendre le risque de mourir quand on vit dans la violence… », déclarait Jacques Mesrine au journal Libération en janvier 1979.
  • Les Gens

    Yseult Delgeon, des bébés aux choux

    Sylvie Chatelin
    Son parcours a toujours mené Yseult Delgeon vers la vie, tout d’abord lorsqu’elle était sage-femme et maintenant comme maraichère où elle fait naître du vivant et nourrit une centaine de familles. Portrait d’une grande fille, aux yeux clairs et doux, une femme fidèle à ses convictions.

n° 230

octobre 2024