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mai 2021 / Simplon

Projet Ordener- Poissonniers : la fin du rêve « extraordener » ?

par Dominique Gaucher

Diminution du nombre de logements, augmentation relative des espaces verts sont au programme mais riverains et associations sont encore loin d’avoir obtenu ce qu’ils souhaitaient. Néanmoins, la porte reste entr’ouverte à la poursuite de la concertation.

Le « nouveau projet » Ordener-Poissonniers a été présenté lors de la réunion de clôture de la concertation réglementaire. L’idée d’aménager 3,7 des 5 hectares de cette grande friche ferroviaire remonte à 2015. Elle s’inscrit dans l’ambitieux projet « Paris Nord-Est élargi » lancé par la Ville. L’opération envisageait initialement la construction de 620 logements et d’un square de 4 000 m2 représentant à peine 10 % de la superficie totale.

La dernière mouture présente des évolutions notables. La superficie du jardin public augmente : il occupera 15 200 m2 en pleine terre. Il y aura aussi une bande maraîchère de 3 000 m2. Le nombre de logements est ramené à 400. La moitié sera de l’habitat social, le restant des logements intermédiaires et en accession à la propriété. Les 8 000 m2 d’équipements publics permettront l’installation d’une école, d’un plus grand conservatoire de musique, d’une salle de spectacle. Un incubateur de créateurs industriels et l’école de design Camondo devraient trouver place sur les 11 000 m2 d’activités tertiaires.

Les défenseurs du projet insistent sur l’apport de ces activités et services publics. Ainsi que sur l’installation attendue d’autres équipements : un cinéma, 6 500 m2 de commerces, 5 500 m2 d’espaces de coliving* avec une auberge de jeunesse, enfin 4 000 m2 d’activités relevant de l’économie sociale et solidaire (ESS). Plusieurs programmes seront installés dans la partie patrimoniale des anciens ateliers SNCF que tous souhaitent préserver.

Eric Lejoindre, maire du 18e, Anne Claire Boux, adjointe à la maire de Paris chargée de la politique de la ville et élue du 18e, des dirigeantes d’Espaces ferroviaires et l’architecte se sont félicités d’évolutions prises « dans l’intérêt du quartier ». Après avoir vanté le caractère hautement écologique de cette réalisation « bas carbone », ils ont aussi mis en avant son caractère participatif, avec les ateliers conduits par Espaces ferroviaires dès 2015.

Du côté des insatisfaits

Les collectifs d’habitants et les associations partagent-ils cet enthousiasme ? Pas vraiment si l’on en croit le porte-parole du collectif Extraordener, créé l’été dernier, qui reprend pour l’essentiel les revendications de celui de Dépôt Chapelle, né dès 2016. « Les améliorations, observe Jean Marc Jacob, restent marginales par rapport à l’économie globale du projet. Cette opération ne va pas désenclaver le quartier. Or, sa situation à proximité de la Goutte d’Or, des quartiers Amiraux et Marx Dormoy offrait une occasion unique de le faire. » La superficie permettait d’y réaliser un vrai parc, sans immeubles alentour, seul moyen d’éviter les îlots de chaleur.

« Quant au logement, nous ne sommes pas contre le social, poursuit Jean-Marc Jacob. Mais nous souhaiterions qu’il ne soit pas toujours concentré sur les mêmes secteurs et au sein des mêmes arrondissements. Nous nous inquiétons aussi du flou entourant les surfaces de logement. Quant à la part donnée aux bureaux, il y en a déjà trop actuellement et de nombreux sont vides. Nous craignons aussi que la halle ne se transforme en galerie commerciale. »

Le collectif s’inquiète également de l’impact, à terme, de l’opération ou plutôt de l’ensemble des opérations d’aménagement prévues dans le 18e. Quel sera l’apport global de population ? Est-on sûr de la proportion d’espaces verts à disposition des habitants ? Il regrette aussi l’absence d’une étude récente d’impact sur la circulation et s’inquiète des conséquences du chantier. « Nous n’arrivons pas à savoir comment il sera organisé. Beaucoup de gros camions devront passer dans le quartier… »

Quant à Martine Robert, une habitante très présente lors des premières années de conception du projet, elle évoque avec enthousiasme la « table de quartier, ce lieu d’intelligence collective où chacun pouvait noter ses besoins et ses propositions. Rien à voir avec les ateliers organisés par Espaces ferroviaires où l’approche est totalement bridée et formatée. »

Mais un projet plus équilibré

Enfin, l’association pour le suivi de l’aménagement Paris Nord-Est (ASA-PNE) estime, elle, le nouveau projet « plus équilibré » tout en demeurant vigilante sur certains aspects : l’impact sur les flux de circulation, l’insertion urbaine des bâtiments patrimoniaux et le devenir de l’immeuble en brique du 26 ter rue Ordener, la question des hauteurs d’immeubles – pour éviter les ombres portées sur le voisinage, il ne faudrait pas dépasser sept étages.

Le Conseil municipal se prononcera l’été prochain. La délivrance des permis de construire devrait intervenir en 2022. De leur côté, les élus et Espaces ferroviaires annoncent la poursuite de la « concertation » avec la tenue annuelle de deux à quatre comités de suivi.

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