Après dix ans à la direction de l’association, Estelle Verdier gardera en mémoire la vitalité du quartier.
« Tous les dix ans, je change, lance Estelle Verdier, ex-directrice de la Salle Saint-Bruno, dix ans à la Goutte d’Or, mon deuxième poste, et avant, dix ans à la Ligue de l’enseignement en Seine-Saint-Denis. »
La tête dans le guidon, les dernières semaines ont été denses pour clore ses nombreux dossiers. Il est vrai que la Salle Saint-Bruno, depuis sa fondation en 1992, est un acteur associatif majeur de la Goutte d’Or. L’association est présente à trois adresses et autant d’activités différentes. Au 9 rue Saint-Bruno : le lieu principal avec ses salles de réunion et surtout l’immense espace dans l’ancienne chapelle où associations et particuliers adhérents organisent réunions, formations, activités culturelles. La salle gère également l’Espace proximité emploi (EPE), rue de Chartres, qui œuvre à l’insertion professionnelle. Enfin à l’angle des rues Léon et Myrha, la Goutte d’ordinateur, espace public numérique qui forme à la pratique de l’ordinateur, des outils bureautiques et aide à s’adapter à la dématérialisation. Avec les aides et les subventions de la Ville et de l’Etat et l’autofinancement, la Salle Saint-Bruno a géré en 2019 un budget de 700 000 €.
Un quartier comme nul autre
Estelle Verdier a bien vécu cette décennie au sein d’une structure dont elle loue la qualité, tant des salariés que des bénévoles qui l’animent. Et puis, il y a le quartier. « Il a son identité propre, comme un petit village mais avec des gens qui se côtoient sans se connaître, j’y ai trouvé beaucoup de générosité, d’intelligence collective et un accueil chaleureux. » Même si elle n’oublie pas les contrastes de vie, les besoins et les difficultés, elle y voit une cause de la vitalité associative. « Face à ces problèmes importants, il y a dans les associations la volonté de trouver des solutions, avec débrouillardise ; c’est un secteur enthousiasmant, avec beaucoup de professionnalisme, des bénévoles incroyables et des activités citoyennes remarquables qu’il faut soutenir. »
Pendant dix ans, elle en a croisé beaucoup. « De nouvelles associations apparaissent, certaines s’arrêtent, d’autres repartent, il y a un renouvellement permanent. Voyez le collectif interassociatif, il a été en demi-sommeil pendant dix ans mais en mars 2020, il s’est reformé assez spontanément, restructuré et même élargi depuis. Pour répondre aux questions qu’on se posait tous. Que faire ? Comment réagir à la crise et à la montée de la précarité ? Une nouvelle dynamique est née et se poursuit. »
La force de l’action collective
Car la Salle Saint-Bruno est et a été partie prenante de nombreuses actions interassociatives, en particulier, la plus visible et la plus ancienne, la Fête de la Goutte d’Or dont elle coordonne l’organisation. « La Salle a les locaux et les moyens et joue un rôle d’outil pour les associations. Elle donne du sens et du souffle pour alimenter cette dynamique. Je les ai toutes faites entre 2012 et 2019, en 2020 elle a été annulée, cette année, j’espère y revenir, juste en spectatrice fan. »
Elle reste admirative de cette puissance associative. « Il existe des collectifs associatifs partout, j’ai connu la Seine-Saint-Denis, un département attachant mais incomparable avec la force qu’on trouve à la Goutte d’Or pour mener des combats et actions communes. » En avril 2020, pendant le confinement, alors que tout était suspendu, les associations de distribution alimentaire ont repris leurs actions, le collectif a joué son rôle de relais auprès des habitants. En publiant une tribune sur gouttedor-et-vous.org (également créé, animé et coordonné par la Salle Saint-Bruno) une vingtaine d’associations dont la Salle « ont voulu interpeler les pouvoirs publics sur les difficultés sociales démultipliées depuis la crise. »
Estelle Verdier part rejoindre le réseau régional des MJC d’Ile-de-France, « une opportunité et un vrai changement en passant à l’échelle régionale… D’ailleurs le 18e n’a pas de MJC » fait-elle remarquer. L’arrivée du prochain directeur est annoncée pour juin. •
Photo : Jean-Claude N’Diaye