Présidente de l’Association de défense de Montmartre et du 18e arrondissement (ADDM 18) durant 25 ans, elle vient de passer le flambeau.
Ce quart de siècle passé à défendre Montmartre résulte d’un coup de cœur pour la Butte. Danièle y arrive avec son mari une première fois dans les années 1980. IIs acquièrent alors un petit appartement rue Norvins. Leur fille pourra y vivre et ils auront un pied-à-terre pour leurs séjours en France. A cette époque, ils résident la plupart du temps à l’étranger, là où son mari travaille. A sa mort, Danièle réfléchit à s’établir dans un endroit où elle se sentirait bien. Ce sera Montmartre. En 1987, elle s’installe en haut de la rue Lamarck où elle habite toujours.
Agir pour les autres
Danièle aime les gens. Pour en rencontrer dans cette ville où elle n’a jamais vraiment vécu, elle s’inscrit à différentes activités : elle adhère à un club de bridge, participe à des randonnées, apprend à canner des chaises grâce à des cours proposés par la Mairie. Elle noue des relations et entend ainsi parler de l’ADDM 18. Elle en devient membre puis, en 1996, présidente. « Le côté pragmatique de l’action de l’association me plaisait, explique-t-elle. En même temps, c’est aussi un moyen d’honorer la mémoire des artistes qui font et ont fait la renommée de Montmartre. C’est d’ailleurs l’un d’entre eux, le graveur Jacques Frélaut, qui l’a créée en 1976. » »
Et puis Danièle aime agir et agir pour les autres. Elle préside depuis trente-sept ans le conseil syndical de son immeuble. Une de ses voisines, Marie-Ange, évoque son « courage, sa ténacité et son extrême dévouement au collectif. Elle gère l’immeuble de main de maître, toujours avec le sourire et en étant soucieuse des autres. Tout le monde l’aime. »
Des satisfactions
Cette persévérance est l’une des qualités nécessaires à Danièle au cours de ces années passées à défendre ce Montmartre qu’elle aime. Elle se félicite particulièrement de la remise en état du Chemin de lumières obtenue après moultes interventions. La nuit, 135 étoiles en fibre optique et verre coloré illuminent l’escalier remontant vers le Sacré-Cœur, rue du Chevalier-de-la-Barre. Elles représentent la disposition des constellations dans le ciel de Paris. Réalisée en 1995, l’œuvre de Henri Alekan, l’un des grands chefs opérateurs du cinéma français, et de Patrick Rimoux, plasticien sculpteur, avait grand besoin d’être restaurée. « Il faut absolument continuer à entretenir le Chemin de lumières. Certaines étoiles ne brillent plus ! Ce serait formidable et pas très onéreux d’avoir une plaque explicative, en haut et en bas des marches. »
Danielle se réjouit aussi de deux autres réalisations obtenues grâce à l’ADDM. Un pigeonnier a été installé dans le jardin Nadar. Il permet à la ville de contrôler la croissance des colombidés et d’éviter leur surpopulation. Il y a aussi le rucher de la rue Gabrielle, emblématique de l’action souhaitée par l’association. L’installation des trois ruches résulte d’une collaboration étroite avec la Mairie du 18e. L’association s’occupe de leur exploitation et de la vente du miel. L’été dernier, 90 kilos ont été récoltés.
Mais certaines propositions, même les plus simples, n’obtiennent pas pour autant satisfaction. Danièle cite l’exemple des toilettes près du Sacré-Cœur. « Nous avons réussi à en faire installer dans le square Marcel Bleustein-Blanchet. Mais côté basilique, nous n’avons pas eu gain de cause. » Les seuls sanitaires existants, en haut de la rue Lamarck, sont payants et fonctionnent aux horaires de bureau : ils ouvrent en journée de 10 h à 17 h 30 avec une pause déjeuner d’une heure. Le jardin Frédéric Dard, qui jouxte la cité des artistes, constitue un autre point d’achoppement. Depuis plusieurs années, il subit des dégradations dues à des intrusions nocturnes. L’association demande une meilleure protection de ses accès. Récemment et après de multiples démarches, la municipalité a promis de poser, avant l’été, une protection au-dessus de la grille d’entrée.
Patrimoine et relations avec les élus
Pendant ces années à la présidence de l’ADDM, une petite équipe de fidèles a aidé Danièle. « Madame Pélissier, confie Danielle Fournier, élue du groupe Les Verts à la mairie du 18e arrondissement de 2001 à 2014, a une qualité rare et indispensable, le sens de l’action collective. Elle a pris le temps de connaître beaucoup de gens et de faire en sorte qu’ils puissent travailler ensemble. Elle n’a cessé de proposer des actions, notamment au conseil de quartier où elle a œuvré pour que l’ADDM devienne une force de proposition. Je la rencontrais sur le terrain ; toujours très calme et souriante. Mais elle ne laissait jamais tomber un combat. C’est une personne très positive. »
Pourtant les relations avec les élus semblent loin d’être toujours faciles. « Certains sont à l’écoute, on peut les rencontrer et faire avancer les dossiers, reconnait-elle. Mais souvent nous n’avons même pas de réponses à nos courriers. Les questions relatives au patrimoine ne semblent pas passionner la municipalité. » Lorsque nous évoquions il y a quelques mois la révision du plan local d’urbanisme de Paris, Danièle soulignait : « Le rôle des associations est de former un rempart pour sauvegarder le patrimoine. Le tourisme de masse complique considérablement la situation. Un quartier doit être un lieu où nous pouvons tous vivre ensemble au quotidien. Les habitants ne doivent pas pâtir de la surfréquentation des lieux. Nous devons agir pour limiter les nuisances dues à ce phénomène. Si besoin, nous allons en justice, comme nous l’avons fait pour l’ex-boulangerie du 9 rue Norvins, ce qui nous a permis d’obtenir la remise en état de sa vitrine, qui a inspiré tant de peintres. »
L’ADDM est membre du réseau « Vivre Paris » avec lequel elle entreprend des actions en justice, notamment pour non-respect de la réglementation relative aux terrasses et étalages. Danièle attend beaucoup du projet de classement de Montmartre au patrimoine mondial de l’UNESCO pour préserver ce quartier qu’elle aime tant. Elle quitte la présidence de l’association confiante dans les qualités de sa successeure, Béatrice Dunner, qui « connaît parfaitement les dossiers et saura agir au mieux des intérêts de tous ». Danièle continuera à prendre soin du rucher. Et compte bien visiter des pays qu’elle ne connaît pas encore, la Covid lui ayant déjà fait rater deux voyages cette année, en République dominicaine et au Japon.
photo : Jean-Claude N’Diaye