Avec ses coursiers en vélos-cargos électriques, la société Olvo illustre la montée en puissance des micromodes de transport pour s’adapter aux nouveaux usages et s’affranchir de la congestion du trafic. Installée dans la zone industrielle CAP 18, la jeune scop est également en pointe sur la politique sociale et fourmille de projets.
On en croise de plus en plus à vélo dans nos rues et sur les pistes cyclables. Le vélo-cargo s’installe dans le paysage urbain comme un mode de livraison vertueux. Transportant jusqu’à 100 kg, voire 150 avec une remorque, il est parfaitement adapté à l’explosion des commandes uniques pour les particuliers. Avec l’interdiction du diesel à Paris d’ici deux ans, une menace lourde pour les camions qui roulent en grande majorité à ce carburant, le vent de la logistique urbaine souffle dans le dos des vélos.
Peut-être en avez-vous croisés avec une caisse noire flanquée du logo Olvo ? Les livreurs cyclistes se déplacent principalement sur Paris mais aussi en banlieue pour acheminer des colis en tous genres, des imprimés jusqu’aux bouquets de fleurs, voire des fûts de bière (trois dans la caisse, deux sur la remorque). Avec près des trois quarts de la flotte équipée en électrique, les livreurs couvrent plus de 60 kilomètres par jour, principalement dans Paris mais aussi en banlieue. Les tournées et les commandes sont établies via une plateforme internet et les prix, de 6 à 150 €, calculés par un algorithme qui compulse quinze critères tels que le poids, le volume, le lieu de départ, la destination, le délai de prévenance, les créneaux de livraison…
Reprendre le contrôle du pédalier
Leeroyd Levi était livreur pour Deliveroo. Las de la précarité de son statut, auto-entrepreneur sans protection sociale, il s’entoure d’amis livreurs et fonde la société Olvo en 2018. Les deux premières années, ils sont principalement sous-traitants de Deliveroo mais l’activité décolle. Depuis septembre dernier, la société s’est installée à CAP 18. « L’idée première était de créer une société pour les anciens Deliveroo, Take it easy et autres services de livraison avec la volonté de reprendre possession de leur outil de travail », introduit Paul Roudo, co-gérant et directeur des opérations d’Olvo. « Désormais nous sommes une coopérative, avec un sociétariat sous conditions que nous avons voulues les plus accessibles possibles, soit 50 % d’un salaire mensuel pour l’achat d’une part et six mois d’ancienneté. » Une politique sociale volontaire et qui se démarque de celle des plateformes.
Politique sociale et solidaire
« Les livreurs sont rémunérés avec un salaire un tiers supérieur au SMIC et des avantages en nature tels que la prise en charge à 100 % de la mutuelle, une cantine végétarienne gratuite et 25 € par mois d’équipement », continue Paul Roudo. « Enfin le statut de société coopérative et participative (SCOP) oblige à verser aux sociétaires au moins 25 % des bénéfices de l’entreprise. Mais nous sommes plutôt à 40 %, à l’instar d’ailleurs de beaucoup d’autres coopératives en France. » Les bénéfices pour l’heure sont encore faibles car la société est en pleine croissance et investit beaucoup, mais Paul Roudo regarde avec intérêt cette homologue rennaise qui verse à ses salariés « non pas un treizième mais un dix-huitième mois ! »
Et pourquoi CAP 18, pourquoi le 18e ? « Le nord-est de Paris, les 10e, 11e, 18e, 19e et 20e sont le berceau des initiatives de l’économie solidaire dont nous sommes issus. Nous avons débuté à Colonel Fabien, mais le bail était précaire et s’est arrêté en juillet 2020, nous étions pressés par le temps, CAP 18 s’est avéré le meilleur compromis dans Paris. Car la logistique est une activité avec des marges faibles et des coûts fixes importants. Chaque seconde, chaque dizaine de mètres économisée comptent. » C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’entreprise pense déjà à déménager et lorgne l’ancienne antenne Drouot rue Doudeauville. Les sélections sont en cours et la société se trouve dans le carré des finalistes, réponse bientôt. « Drouot nous rapprocherait de 2 km du centre de Paris, cette distance gagnée, c’est 100 000 € par an de différence pour nous. »
Un hôtel et pleins de choses
Devant la porte du local, des vélos, une ou deux tables et des trentenaires qui déjeunent en profitant du soleil de midi. Olvo est une entreprise jeune qui, en plus de ses ateliers d’entretien de vélo ouverts aux autres entreprises et aux particuliers, développe des logiciels adaptés à la cyclo-logistique et vends des vélos-cargos neufs et des caisses dessinées par eux.
Elle héberge également quatre autres petites sociétés selon un concept d’hôtel logistique et loue un espace de stockage et une chambre froide à différentes sociétés. Bref, chez Olvo, on pédale dur mais la tête n’est pas en reste. •
Photo : Jean-Claude N’Diaye